"Un couteau dans le cœur", un film de Yann Gonzalez

Présenté à Cannes en compétition officielle, le deuxième long-métrage de Yann Gonzalez, Un couteau dans le cœur, a marqué les festivaliers. Vanessa Paradis et Nicolas Maury brillent dans ce très beau film à a poésie cinéphile, sombre et violente.

Paris, été 1979. Anne est productrice de pornos gay au rabais. Lorsque Loïs, sa monteuse et compagne, la quitte, elle tente de la reconquérir en tournant un film plus ambitieux avec son complice de toujours, le flamboyant Archibald. Mais un de leurs acteurs est retrouvé sauvagement assassiné et Anne est entraînée dans une enquête étrange qui va bouleverser sa vie.

Cinq ans après son magnifique premier long, Les rencontres d'après minuit, Yann Gonzalez débarque directement en compétition officielle à Cannes avec un deuxième long-métrage très attendu par ceux qui suivent le travail du cinéaste depuis ses courts. Entouré de ses deux acteurs fétiches, Kate Moran et Nicolas Maury, le réalisateur offre à Vanessa Paradis un rôle étonnant, celui d'une productrice undergroud et alcoolique, personnage inspiré par Anne-Marie Tensi, elle-même figure du porno gay des années 70 et dans une relation amoureuse chaotique avec sa monteuse Loïs.

Loin de tout réalisme, le film est truffé de références aussi variées que L'exorciste, le cinéma de Vecchiali ou celui de Brian De Palma (entre voyeurisme et flamboyance). On pourrait s'amuser à lister les références, comme pour son premier film, mais Un couteau dans le cœur touche justement par sa sincérité, au-delà des références, au-delà des artifices et de sa mise en scène extrêmement pensée. Vanessa Paradis, en avatar de Debbie Harry, est bouleversante, Nicolas Maury toujours aussi bluffant, les apparitions de Florence Giorgetti (la taulière écoutant du Marie Laforêt) ou Romane Bohringer sont de petits bonheur fugaces. Quant au reste du casting, de jeunes acteurs plutôt inconnus (génial Khaled Alouach, repéré aux côtés de Yolande Moreau dans De toutes mes forces, Thibaud Servière, Félix Maritaud) tous convaincants. Yann Gonzalez réussit à entremêler le thriller (il y a un vrai suspense), le mélodrame, le film érotique (cette séquence incroyable en guise de générique de fin) et parfois la comédie acide. Sa mise en scène étonne toujours, à la fois électrique et douce, entre les plateaux de tournage, la virée en province, le cinéma porno et les séquences de meurtre ultra stylisées. Un des plus beaux films français de l'année, à n'en pas douter.