3 Septembre 2018
Véréna Paravel et Lucien Castaing Taylor sont partis à la rencontre de la folie et de l'horreur. Caniba est un documentaire dérangeant, éprouvant et qui pose la question de la morale du cinéaste.
En 1981, Issei Sagawa, alors étudiant à Paris, défraya la chronique après qu’il ait - littéralement - dévoré le corps d’une de ses camarades de la Sorbonne. Affaibli par la maladie, il habite désormais avec son frère, Jun, qui prend soin de lui. Verena Paravel et Lucien Castaing-Taylor, cinéastes et anthropologues, sont partis à leur rencontre. Caniba est le fruit de ce face à face remarquable.
Après le déroutant Léviathan, les réalisateurs français Véréna Paravel et Lucien Castaing Taylor, qui travaillent depuis plusieurs années au Japon, sont partis à la rencontre de celui qu'on appella en 1981 à Paris le « cannibale japonais », Issei Sagawa. Etudiant dans la capitale française, il tue et mange partiellement une camarade néerlandaise avant de se débarrasser du corps et d'être rapidement appréhendé par la police. Reconnu irresponsable pénalement, il ne passera que quelques mois en hôpital psychiatrique avant de rentrer au Japon où il tirera profit sa triste notoriété en tant qu'acteur porno et critique gastronomique (oui, oui).
Affaibli par un AVC et un sévère diabète, Issei Sagawa vit dans la banlieue de Tokyo avec son frère Jun (aux penchants SM qui posent question). C'est dans leur minuscule appartement que les réalisateurs sont allés à la rencontre du monstre. La manière de filmer de très près les Sagawa en train de manger (comble du l'abjection) ou de plaisanter (aucun remords de la part de cet homme malade) pose la question de la complaisance face à un tel personnage, si fascinant soit-il. « Le défi était d’inventer une forme qui rendrait justice au caractère abject du sujet. Mais nous n’avions pas le désir de rendre l’expérience de voir ce film dur en soi, au contraire, nous espérions trouver un moyen de restituer une part d’humanité à un sujet si complexe d’un point de vue éthique » témoignent les documentaristes. On peut parfaitement comprendre la fascination pour l'abjection et les méandres de la folie la plus profonde, mais le film, extrêmement éprouvant, n'épargne jamais le spectateur. Entre manga glauque (dessiné par Issei lui-même), séquence de scarification et une absence totale d'empathie, Caniba est une expérience pénible mais pas inintéressante en ce qu'elle interroge la place du cinéaste face à son sujet. Sans donner de réponse. Et c'est cette ambiguïté qui crée le malaise. Interdit aux moins de 18 ans, évidemment.