11 Janvier 2010
Dix jours après Lhasa, vingt-quatre heures avant Eric Rohmer, Mano Solo est mort le dimanche 10 janvier à l'âge de 46 ans "des suites d'une série d'anévrismes". Il avait été hospitalisé après son dernier concert, le 12 novembre 2009 à Paris (Olympia). Il laisse une discographie inégale mais forte.
Né en 1963, Mano Solo (de son vrai nom Emmanuel Cabut) commence à jouer dans divers groupes de rock dans les années 1980. En 1993, il publie un premier album, La marmaille nue, sublime et disque d'or pour plus de 100 000 ventes. Dès sa sortie, les textes douloureux, poétiques et rageurs donnent une vision du monde sombre mais pas cynique, sur des airs rock, latinos et "chanson réaliste".
Il révèle très rapidement sa séropositivité, tant ses textes en sont empreints. Au début des années 1980, il se drogue beaucoup et baise beaucoup -à l'époque, la capote n'est pas encore de mise. En 1986, il apprend qu'il est séropositif. Même s'il en parle plus ou moins dans ses chansons, il refuse d'en faire un fond de commerce. En 1995, lors d'un concert, il déclare "J'ai une bonne et une mauvaise nouvelles. La bonne, c'est que je ne suis plus séropositif ; la mauvaise, c'est que j'ai le SIDA". Il obtient plusieurs disques d'or dans les années 1990 avec le succès des albums Les années sombres (1995), Je sais pas trop (1997) ou Dehors (2000). Son dernier disque, Rentrer au port, est sorti en septembre 2009.
Je ne connais pas très bien toute la discographie de Mano Solo, mais son très beau premier album, La marmaille nue, contient l'une des plus belles chansons sur l'absence que je connaisse, Trop de silence.
Sans toi, sans moi, sans nous, sans rien
Comme en vacances dans un pays aux murs trop blancs
Où viennent en nombre buter les idées sombres
Sur les décombres d'un cœur qui sombre
Il y a trop, beaucoup trop de silence dans mes vacances
Sans te parler, sans t'appeler
Sans t'écrire, sans rien choisir
Sans rien attendre, sans rien entendre
Sans rien comprendre
Sans sentir ta voix et tes mots posés sur moi
Sans entendre la musique de ta peau sur mes draps
Il y a trop, beaucoup trop de silence dans mes vacances
J'ai pas vu ce matin sortir tes fesses de nos draps sales
J'ai pas senti ta main dans mes cheveux
Comme pour me réchauffer le rêve
J'ai pas senti ton souffle dans mon cou
Ni ta bouche susurrer un "salut, à plus tard"
Tout ça, ça me fait penser qu'hier non plus
Qu'hier non plus...
En pleine lumière sans un coin d'ombre
Bien trop sincère pour pas être tout seul au monde
Comme un chien dans l'arène de mon propre désir
J'aboie à perdre haleine, je supplie la fin du martyr
Mais les habits de lumière ne tireront jamais leur gloire
A me faire toucher terre, on coupe les phares
Finie la fanfare, je reste dans le noir
Il y a trop, beaucoup trop de silence dans mes vacances