Critiques ciné et autres.
5 Février 2015
Lenny Abrahamson s'est fait remarquer à Sundance avec son nouveau film, Frank, une comédie loufoque inspirée de la vie d'un musicien méconnu. Malgré ses fragilités et ses maladresses, le film est attachant et émouvant.
Jeune musicien rêvant d’être une rock star, Jon croise le chemin d’un groupe de pop avant-gardiste à la recherche d’un nouveau clavier. Il devient vite le protégé de Frank, leur leader, aussi fascinant que mystérieux : ce génie musical vit dissimulé en permanence sous une grande tête en papier mâché. Entre phases de doute et éclats de créativité, rapports fusionnels et crises de confiance, l’enregistrement du premier album du groupe et les concerts les conduiront dans une véritable aventure humaine de l’Irlande jusqu’au Texas !
Lenny Abrahamson, qui a suscité l'intérêt avec son précédent film (le sous-estimé What Richard did), réalise avec ce quatrième long-métrage un biopic atypique puisque le scénario s'inspire de la vie de Frank Sidebottom, le personnage créé par le musicien Chris Sievey (décédé en 2010) du groupe The Sonorfbps. Dans les années 80, ce dernier cachait son visage derrière une énorme tête en papier mâché, bien avant Daft Punk, Slipknot ou même Fauve et sa volonté de rester anonyme. La particularité de Frank, c'est qu'il utilisait cette fausse tête aussi bien sur scène que dans le privé. Le film dresse le portrait de cet homme complexe, mentalement malade et musicien avisé, incarné par Michael Fassbender, star masquée.
Le réalisateur choisit d'approcher ce mystérieux personnage par le biais d'un regard candide, celui de Jon, un jeune homme qui peine à écrire des chansons, rêve de devenir musicien professionnel et va, presque par hasard, se faire engager comme clavier du groupe de Frank. Jon va gagner l'amitié de Frank, malgré la réticence des autres membres du groupe, à commencer par la possessive Clara (Maggie Gyllenhaal, convaincante garce). Petit à petit, il va publier des vidéos sur YouTube, Twitter, Tumblr (welcome la nouvelle génération) pour faire connaître des artistes qui ne pensent pas à une carrière commerciale et préfèrent les expérimentations post-rock progressif. C'est aussi la limite du film, car ce que l'on gagne en humour (Domhnall Gleeson, excellent et vu dans des productions aussi différentes que True Grit, Harry Potter ou Il était temps), on le perd en émotion. Car ce groupe est aussi le regroupement d'artistes à la sensibilité extrême, un pied dans la musique, un pied dans la folie. On aurait aimé entrer un peu plus dans la folie (douloureuse) de Frank, qui refuse d'enlever sa fausse tête par peur du monde extérieur. Le film offre de belles scènes de répétition et une approche sensible de la folie, mais peine à passer la barre de l'anecdote, là où What Richard did, précédente réalisation de Lenny Abrahamson, effleurait déjà cette thématique du cercle vicieux du repli sur soi.