Critiques ciné et autres.
8 Février 2015
David Robert Mitchell livre avec It follows un film d'horreur mémorable, une claque visuelle et le plus grand stress cinématographique ressenti depuis longtemps. Un film de genre qui revisite l'angoisse de devenir adulte.
Après une expérience sexuelle apparemment anodine, Jay se retrouve confrontée à d'étranges visions et l'inextricable impression que quelqu'un, ou quelque chose, la suit. Abasourdis, Jay et ses amis doivent trouver une échappatoire à la menace qui semble les rattraper...
Après un premier film inédit dans les salles françaises (The myth of the American sleepover), David Robert Mitchell a fait sensation dans de nombreux festivals (Cannes, Deauville, Gérardmer) avec son deuxième long-métrage, It follows. Ce film lui a été inspiré par un cauchemar qu'il faisait étant enfant dans lequel il était poursuivi par une présence. Autre élément autobiographique, l'intrigue se déroule à Detroit et sa banlieue, où le cinéaste a grandi. Avec son chef op Mike Gioulakis, le réalisateur dessine une lumière incroyablement belle et diffuse autour de ses personnages, à l'opposé de la plupart des films de genre. C'est l'originalité de It follows, à la fois pur film d'horreur et objet cinématographique complet, à la mise en scène particulièrement soignée et à l'interprétation remarquable (Maika Monroe et Keir Gilchrist en tête).
La sexualité a toujours une place prépondérante dans les films d'horreur, celui qui ne couche pas étant souvent épargné, comme dans Halloween. Ici, David Robert Mitchell se place dans un autre angle, celui de l'angoisse de la découverte de son désir et du passage à l'âge adulte. Par l'acte sexuel, on contamine son partenaire et fait passer une "malédiction" (métaphore évidente du SIDA mais le film ne se résume -heureusement- pas à ça). "Je pense que la période où l'on découvre sa sexualité peut être effrayante. On est alors traversé par toutes sortes d'angoisses" souligne le réalisateur. Cette "chose" transmise par le sexe poursuit la personne infectée, prenant la forme d'un humain connu ou non, marchant lentement mais sans s'arrêter vers sa proie. Mitchell utilise brillamment le hors champ et la menace sourde crée une tension qui va crescendo et prend le spectateur à la gorge. Le film nous plonge en plein tourments adolescents mais sans afféterie, dans une Amérique des banlieues qui semble uniquement habitée d'ados, les adultes étant (presque) totalement absents. It follows nous poursuit, à juste titre, longtemps après la projection et prolonge la réflexion sur la jeunesse inexorablement perdue après le passage à l'âge (à l'acte) adulte.