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Un cinéphile dans la ville.

Critiques ciné et autres.

"La loi du marché", un film de Stéphane Brizé

Stéphane Brizé connaît sa première sélection cannoise avec La loi du marché, en compétition et avec Vincent Lindon en tête d'affiche. Un grand film social, profondément humaniste et tristement dans l'actualité. Déjà parmi les meilleurs films de l'année.

"La loi du marché", un film de Stéphane Brizé

A 51 ans, après 20 mois de chômage, Thierry commence un nouveau travail qui le met bientôt face à un dilemme moral. Pour garder son emploi, peut-il tout accepter ?

 

 

Stéphane Brizé est un réalisateur discret mais à la filmographie déjà riche de belles réussites, de Je ne suis pas là pour être aimé (2005) à ses deux petits chefs-d'œuvre de sensibilité Mademoiselle Chambon (lire l'article du 20 octobre 2009) et Quelques heures de printemps (lire l'article du 29 septembre 2012). Après avoir sondé l'intime, il signe un film social et engagé, La loi du marché, tourné en équipe légère et avec des acteurs non-professionnels, mis à part Vincent Lindon, grand favori (mérité) pour le Prix d'interprétation masculin à Cannes.

 

Thierry (Vincent Lindon) a la cinquantaine, il est au chômage depuis plus d'un an et enchaîne les entretiens d'embauche humiliants (sur Skype, avec un éventuel employeur qui le traite comme un moins que rien) et les ateliers de formation pour apprendre à bien se tenir devant un recruteur. Le film montre parfaitement à quel point le monde de l'emploi a changé : aujourd'hui, toutes ces nouvelles règles imposent que le recruteur ferait une faveur à un demandeur d'emploi en lui accordant sa chance, alors que c'est lui qui a besoin de personnel pour que l'entreprise puisse rester viable. Monde perdu où les administrations, malgré la bonne volonté des employés, ne peuvent rien, où les banques font la morale et poussent sous l'eau la tête de leurs clients déjà moribonds en leur proposant des crédits et assurances décès qui pérennisent leur endettement, où les DRH méprisent à tel point l'humain qu'ils ne sont plus capables d'affronter leurs responsabilités.

 

La mise en scène de Stéphane Brizé est exemplaire, documentaire, au plus proche de son sujet, collant à la peau de Vincent Lindon pendant 1h30, souvent derrière lui, comme si nous étions tous cet homme humilié et dont on ne sait pas jusqu'où il va accepter les avilissements pour garder son emploi. Car il finit par être engagé comme vigile dans un supermarché où on lui demande de surveiller plus les employés que les clients, pour pouvoir virer les caissières qui "volent" des coupons de réduction ou des points fidélité. Cette réalité, le cinéaste ne l'exagère pas, il ne plonge jamais dans le misérabilisme et garde la bonne distance. Le libéralisme fou de notre époque a créé ces situations où tout le monde surveille chacun, où tout le monde semble accepter de revoir encore un peu plus à la baisse la notion de liberté individuelle au nom du bien commun (mais surtout au nom du bien du capital). Vincent Lindon, décidément devenu le plus grand acteur de sa génération, est ici dans un de ses plus beaux rôles et le Prix d'interprétation cannois viendrait, enfin, comme une consécration pour celui que le métier a toujours ignoré (cinq nominations aux César du meilleur acteur et toujours bredouille). Stéphane Brizé signe d'ores et déjà un des plus grands films français de l'année.

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