Critiques ciné et autres.
13 Mai 2015
Emmanuelle Bercot fait l'ouverture du 68ème Festival de Cannes avec son nouveau film, La tête haute. Une chronique sociale bouleversante et portée par des acteurs exceptionnels.
Le parcours éducatif de Malony, de six à dix-huit ans, qu’une juge des enfants et un éducateur tentent inlassablement de sauver.
Rompant avec la tradition de glamour pour la soirée d'ouverture du Festival de Cannes, son nouveau président, Pierre Lescure, a choisi un drame social pour la projection inaugurale. Emmanuelle Bercot, remarquée en 2006 avec l'excellent Backstage, a connu la consécration, à Cannes déjà, en 2011 avec Polisse de Maïwenn qu'elle a coécrit et dans lequel elle joue. Après le beau Elle s'en va (lire l'article du 15 septembre 2013), la cinéaste retrouve Catherine Deneuve, cette fois en juge des mineurs, avec toujours ce mélange d'autorité naturelle et de douceur virile. Une phrase du droit français a particulièrement inspiré ce projet : "L'éducation est un droit fondamental. Il doit être assumé par la famille et si elle n'y parvient pas, il revient à la société de l'assumer."
La révélation du film, c'est Rod Paradot, l'incroyable adolescent déniché dans un CAP menuiserie, qui incarne le rôle principal, Malony, un gamin "à problèmes", né d'une mère paumée et d'un père absent et qui semble voué à sombrer définitivement dans la délinquance. Mais tout le monde, sauf lui, va qu'il s'en sorte, à commencer par "sa" juge (Catherine Deneuve, remarquable) et son éducateur (Benoît Magimel, très bien). Emmanuelle Bercot a l'intelligence de ne pas dresser un portrait baigné dans les clichés habituels (le rap, le cannabis, un ado "issu de l'immigration") et de mettre en scène un personnage qui fait osciller le spectateur entre empathie et agacement, tant il se tire sans cesse une balle dans le pied, refusant les mains tendues. La mise en scène rappelle souvent le dispositif de Polisse, très documentaire (et documenté), avec des séquences très bousculées, un montage nerveux, mais on pense aussi au lyrisme de Mommy de Xavier Dolan, primé à Cannes l'année passée. En deux heures, Bercot, à grands coups d'ellipses, sillonne un parcours de dix ans, ou comment ce jeune homme mal né va pouvoir enfin s'autoriser à porter "la tête haute". Un film bouleversant, profondément humain et qui rappelle l'importance majeure de l'éducation.