Critiques ciné et autres.
11 Juin 2015
Bruno Podalydès explore avec originalité et finesse la crise de la cinquantaine dans son nouveau film, Comme un avion. Une comédie bucolique et loufoque, pleine de mélancolie.
Michel, la cinquantaine, est infographiste. Passionné par l'aéropostale, il se rêve en Jean Mermoz quand il prend son scooter. Et pourtant, lui‐même n’a jamais piloté d’avion… Un jour, Michel tombe en arrêt devant des photos de kayak : on dirait le fuselage d’un avion. C'est le coup de foudre. En cachette de sa femme, il achète un kayak à monter soi‐même et tout le matériel qui va avec. Michel pagaie des heures sur son toit, rêve de grandes traversées en solitaire mais ne se décide pas à le mettre à l'eau. Rachelle découvre tout son attirail et le pousse alors à larguer les amarres. Michel part enfin sur une jolie rivière inconnue. Il fait une première escale et découvre une guinguette installée le long de la rive. C’est ainsi qu’il fait la connaissance de la patronne Laetitia, de la jeune serveuse Mila, et de leurs clients ‐ dont la principale occupation est de bricoler sous les arbres et boire de l’absinthe. Michel sympathise avec tout ce petit monde, installe sa tente pour une nuit près de la buvette et, le lendemain, a finalement beaucoup de mal à quitter les lieux…
Bruno Podalydès filme depuis longtemps "en creux", des êtres aux destins ordinaires pris dans des rebondissements burlesques, des hommes en quête d'une nouvelle vie, d'un nouveau départ, avec un humour potache et une fantaisie qui cachent une certaine gravité. Le décor et les accessoires, chez le cinéaste, sont au centre de l'intérêt. Déjà dans Bancs publics (Versailles rive droite) et Adieu Berthe (ou l'enterrement de mémé) on remarquait l'humour potache sur les objets du quotidien légèrement détournés, ici encore, on croise une "jolie petite bouilloire", une radio solaire astucieuse, un site de livraison nommé "C'est parti, mon colis", une tente Quechua et un porte-clefs anti-moustiques d'anthologie. Pour raconter la crise de la cinquantaine, pas de pétage de plombs, pas de maîtresse de moins de 25 ans (ou presque…), pas de coup de folie démesuré, mais un rêve aussi petit qu'il l'emmènera plus loin qu'il ne pensait : la descente d'une rivière quasiment immobile en kayak, avec un Eden retrouvé au bord d'une guinguette.
Entre humour volontiers grivois, échappées poétiques et running gags - "le pêcheur Pierre Arditi", les répliques mystérieuses de Michel Vuillermoz et Jean-Noël Brouté, comme Vladimir et Estragon dans En attendant Godot - Bruno Podalydès se met en scène (pour la première fois dans le premier rôle) avec une puissance comique rappelant souvent Alain Chabat, notamment dans ses nombreux soliloques. Passionné par l'aviation, notre héros trouve son bonheur dans un kayak, qui est "comme un avion sans aile" que chante Charlélie Couture bien opportunément. Entouré d'Agnès Jaoui (étonnante dans un rôle un peu nouveau), de Vimala Pons (la nouvelle coqueluche des auteurs français) et d'un casting très "Alain Resnais", Podalydès offre un film placé sous le sceau des petits bonheurs, de la musique (Bashung, Moustaki), de l'absinthe et de la simplicité retrouvée. La photographie, signée Claire Mathon (L'inconnu du lac déjà merveilleusement éclairé), est lumineuse et donne envie d'aller rejoindre cette belle troupe sous la tonnelle.