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Un cinéphile dans la ville.

Critiques ciné et autres.

"Mustang", un film de Deniz Gamze Ergüven

Deniz Gamze Ergüven signe Mustang, un premier film lumineux au sujet pourtant grave. Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs 2015, le film est un magnifique récit d'émancipation.

"Mustang", un film de Deniz Gamze Ergüven

C'est le début de l'été. Dans un village reculé de Turquie, Lale et ses quatre sœurs rentrent de l’école en jouant avec des garçons et déclenchent un scandale aux conséquences inattendues. La maison familiale se transforme progressivement en prison, les cours de pratiques ménagères remplacent l’école et les mariages commencent à s’arranger. Les cinq sœurs, animées par un même désir de liberté, détournent les limites qui leur sont imposées.

 

 

Née à Ankara, Deniz Gamze Ergüven est diplômée de la prestigieuse FEMIS et son film de fin d'études a d'ailleurs connu les honneurs du Festival de Locarno. Son premier long-métrage, Mustang, coécrit avec Alice Winocour (Augustine), est d'inspiration autobiographique. Comment être une jeune fille dans la Turquie d'aujourd'hui, pays autrefois d'avant-garde (les femmes y ont obtenu le droit de vote dès les années 1930) et qui recule désormais dans un conservatisme religieux ?

 

Dès les premières séquences, on découvre cinq sœurs s'amusant, longs cheveux au vent, avec l'insouciance de leur jeunesse, sans penser qu'elles vont être jugées pour simplement rigoler avec des garçons et monter sur leurs épaules ("se branler sur leur nuque" comme il est dit par la terrible grand-mère). La maison, décor quasi-unique, va devenir peu à peu une prison, avec des portes qui se ferment, des verrous posés pus des grilles aux fenêtres, pour éviter que les jeunes filles ne se "pervertissent". Semblables à des jeunes chevaux fougueux (le titre Mustang y fait référence), elles veulent se rebeller et vivre leur vie de manière indépendante, sans les diktats imposés par l'ancienne génération (une grand-mère d'un autre temps, une voisine aux aguets, un oncle à la limite de l'inceste).

 

Sur un postulat qui rappelle The Virgin Suicides de Sofia Coppola, mais dans un contexte totalement différent, le film met en scène la répétition du processus du mariage arrangé (forcé ?) pour que ces adolescentes deviennent de "bonnes épouses". Loin de la modernité, loin d'Istanbul, les sœurs vont tout tenter pour s'affranchir de la coupe de l'oncle, obsédé par l'hymen de ses nièces, qui doivent constamment prouver leur virginité. C'est la plus jeune des sœurs, âgée de douze ans, qui va déclencher la rébellion avec un aplomb et un courage qui forcent l'admiration. La mise en scène aérienne de Deniz Gamze Ergüven donne pourtant à ressentir l'enfermement et le poids de la pression exercée sur les épaules (déjà solides) des jeunes filles. Une fable féministe et pleine d'espoir, portée par un casting de jeunes filles exceptionnelles.

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