Critiques ciné et autres.
10 Juin 2015
L'écrivain et réalisateur Diastème frappe fort avec son nouveau film, Un Français. Une chronique des années 80 à nos jours sur la rédemption d'un ancien skinhead et le basculement de l'extrême-droite de la marge au centre de l'échiquier politique.
Avec ses copains, Braguette, Grand-Guy, Marvin, Marco cogne les Arabes et colle les affiches de l'extrême droite. Jusqu'au moment où il sent que, malgré lui, toute cette haine l'abandonne. Mais comment se débarrasser de la violence, de la colère, de la bêtise qu'on a en soi ? C'est le parcours d'un salaud qui va tenter de devenir quelqu'un de bien.
Scénariste, chroniqueur, écrivain, Diastème es polyvalent. Après un premier long-métrage en 2008 (Le bruit des gens autour), il a cosigné quelques récents films, du Coluche d'Antoine de Caunes aux Châteaux de sable d'Olivier Jahan, sorti en 2015 et au casting duquel on retrouvait déjà sa complice, l'excellente Jeanne Rosa. Un Français est une réponse cinglante à la montée du FN et à son omniprésence médiatique. Sur une période de trente ans, des années 80 à nos jours, le film retrace, en creux, l'histoire de l'extrême-droite en France et ses racines profondément violentes. Mais Diastème montre aussi le parcours d'un jeune skin raciste et adepte des "ratonades" qui va se repentir et, lentement, comprendre les erreurs de son passé.
Les premières séquences du film donnent le ton, insoutenable : militants "Touche pas à mon pote" tabassés, affrontement avec les punks, humiliations et agressions de noirs et d'arabes, violence inouïe d'une bande de skinheads néo-nazis qui regrettent le temps du "Maréchal". Filmées en plans-séquences virtuoses, ces premières scènes affirment d'emblée ce que sont les mouvements d'extrême-droite. Marc, le (futur) repenti, est incarné par Alban Lenoir, épatant en boule de violence. Le film s'attache, parfois maladroitement, à montrer l'évolution de cet homme qui prend conscience du piège idéologique dans lequel il s'est embarqué. Autour de lui, une bande de crétins dont l'un finira par être une figure politique importante du FN avant d'en être débarqué, comme beaucoup d'anciens copains du GUD de Marine Le Pen. Diastème souligne le culte du chef, la violence et l'absence de réflexion inhérente à ce mouvement. Et les "mauvaises herbes" écartées (un toxico, un meurtrier raciste), le parti va tenter de se présenter sous un nouveau visage, jusqu'à la Manif Pour Tous et son lot de poussettes pétries de haine et d'intolérance. En dépit de quelques séquences inutilement romanesques, le film fait passer son message : contre l'extrême-droite, la dénonciation de ses crimes est la base du combat mené contre ce fléau. Avec une mise en scène brute et maîtrisée, sans trop d'afféterie, Diastème réussit son pari.