Critiques ciné et autres.
13 Novembre 2015
Deux ans après le sublime Cyclo, Zazie profite de son exposition télévisée pour publier un nouvel album, Encore heureux, le neuvième en près de 25 ans de carrière. Un disque réussi, encore une fois.
Est-ce l'échec de Cyclo, pourtant son meilleur album, paru en 2013, qui a poussé Zazie à accepter d'être coach dans le télé-crochet The Voice, afin de s'assurer une grande visibilité pour lancer un nouvel album, synonyme de retrouvailles avec le grand public ? Toujours est-il que la chanteuse est partout pour présenter Encore heureux, son neuvième album, avant d'entamer une – courte – tournée en 2016 (la dame est très prise par les enregistrements de l'émission de TF1). Là où Cyclo, chef d'œuvre pop boudé par le public, sondait les méandres les plus sombres de l'âme, Encore heureux opère un retour à la lumière, toutefois teinté de mélancolie.
Dès juin 2015, Zazie lance le premier single, Discold, pépite électro sombre dans la veine de Cyclo. Un excellent titre mais un étrange choix pour promouvoir ce disque de la renaissance. C'est Pise, un des meilleurs titres, qui prend la relève pour la sortie de l'album, un morceau qui représente mieux l'ensemble, avec de nombreux instruments et un travail minutieux sur la voix de Zazie, de plus en plus passionnante, légèrement éraillée avec le temps et qui gagne en intensité.
Côté thèmes abordés, on reste dans la grande tradition de la star : féminisme (Oui-filles), discours écolo (Petroleum), constat de la violence du monde (I love you all, Faut pas s'y fier)… Zazie nous parle de l'actualité (l'attentat contre Charlie Hebdo a inspiré I love you all) mais aussi d'une vision de l'amour à la fois solaire et plein de mélancolie, donnant tout son sens à la célèbre définition de Victor Hugo ("le bonheur d'être triste"). Pise et Oui-filles sont deux des plus jolies compositions de ce disque et Zazie reste fidèle à elle-même, convoquant toutes ses "époques". Petroleum et Faut pas s'y fier rappellent l'univers de Totem (2007), Perchée – et sa sublime mélodie – penche du côté de Zen (1995), Tais-toi lorgne vers Rodéo (2004) tandis que le magnifique Sait-on jamais semble issu des sessions de Cyclo.
Dans cet album de qualité, deux titres sortent néanmoins du lot et ce n'est pas un hasard s'ils ouvrent et referment cet opus. Encore heureux, qui démarre les hostilités, séduit par ses arrangements rock progressif et son texte somptueux ("Encore épris, même pris dans la glace / Oui qu'on soit deux pour refaire surface / Encore heureux"). Et en guise de clôture, Zazie nous offre un déchirant Adieu tristesse, qui pourrait devenir un classique de son répertoire. Sous la forme d'une lettre d'adieu, elle quitte la tristesse, dont elle ne veut plus : "Je m'en vais / Je vais mes larmes, larmes sécher / Oui, je m'en vais / Loin de toi, ma peine / Si je m'en vais / C'est que l'orage, rage est passé / C'est que je sais / Qu'être heureux vaut la peine". Une chanson d'espoir empreinte d'une profonde mélancolie, là encore (heureux). A noter que ces deux bijoux sont d'ailleurs cousus main par la chanteuse et son frère (Phil Baron).
Zazie livre un disque magnifique, à la fois dans la veine de Cyclo et de celle, plus accessible, de ses grands succès. Pas sûr que cela suffise à reconquérir le grand public car si la plupart des chansons sont belles, il ne se dégage pas vraiment de sacro-saint "tube", parole d'évangile des radios FM qui font la pluie et le beau temps sur les ventes de disques. On imagine bien Oui-filles et Adieu tristesse comme prochains singles. En attendant la tournée…