Critiques ciné et autres.
21 Décembre 2017
L’acteur John Carroll Lynch passe à la réalisation avec Lucky, porté par le magnétique Harry Dean Stanton. Un drôle de film, entre contemplation émouvante et vertige de la fin de vie, à la fois profond et échappant à toute lourdeur.
Lucky est un vieux cow-boy solitaire. Il fume, fait des mots croisés et déambule dans une petite ville perdue au milieu du désert. Il passe ses journées à̀ refaire le monde avec les habitants du coin. Il se rebelle contre tout et surtout contre le temps qui passe. Ses 90 ans passés l'entraînent dans une véritable quête spirituelle et poétique.
Si son nom n’est pas toujours connu, le visage de John Carroll Lynch fait partie du paysage cinématographique (et télévisuel) américain depuis une vingtaine d’années, dans des rôles souvent courts mais marquants (Zodiak, Jackie, Shutter Island…). Il signe avec Lucky son premier film en tant que réalisateur avec, en tête d’affiche, le mythique Harry Dean Stanton, dont c’est le dernier passage devant la caméra – l’acteur est mort en septembre 2017 à l’âge de 91 ans.
Portrait d’un vieil homme, Lucky est aussi une sorte de documentaire sur Harry Dean Stanton tant le scénario est inspiré de son quotidien et de sa personnalité. Le film nous montre ses exercices de yoga, sa routine implacable, un paquet de cigarettes par jour (des American Spirit, of course), le café du coin, le Bloody Mary du soir dans un bar d’habitués tous hauts en couleurs. Mais un jour, « Lucky » tombe et se rend soudain compte de sa mortalité. Loin d’être une chronique de la fin de vie, le film se fait tantôt blagueur, tantôt philosophe (belle réflexion sur le « réalisme »), souvent poétique et parfois loufoque (le personnage interprété par David Lynch, à la recherche de son meilleur ami… une tortue nommée Président Roosevelt et qui s’est échappée) ou émouvant (souvenirs de guerre issus de la vie de l’acteur). Sans cesse surprenant malgré son absence de « rebondissements », Lucky séduit autant que son héros, Harry Dean Stanton, grand échalas qui passe ses journées à marcher dans un village presque désert et dont la silhouette rappelle d’ailleurs L’homme qui marche de Giacometti.