Je suis allé voir Jesus Camp, malheureusement trop peu distribué en France (une vingtaine de copies seulement). Dommage, parce qu'après le détonnant Bowling for Columbine de Michael Moore présenté à Cannes en 2002 et la démonstration prodigieuse d'Al Gore dans Une vérité qui dérange de David Guggenheim (oscarisée en 2007 devant justement Jesus Camp), les documentaires US nous ont apporté de belles surprises ces dernières années. Heidi Ewing et Rachel Grady nous montrent un visage américain assez inquiétant. Le documentaire est passionnant ; il est présenté ainsi…
Les familles que vous verrez dans le film représentent une force électorale influente qui fait de plus en plus entendre sa voix dans la vie culturelle et politique américaine.
Elles préparent non seulement le retour de Jésus, mais elles s'apprêtent également à "reprendre le pouvoir en Amérique au nom du Christ", entraînant avec elles leurs enfants.
Des enfants qui attendent de recevoir la parole divine, et s'agitent, en transes, comme possédés, quand le Saint Esprit parle en eux ; des mômes qui maudissent Harry Potter - parce qu'un héros sorcier est une chose sacrilège ; des gamins qui vénèrent George W. Bush, le leader de leur pays, et embrassent son effigie en carton…
Le film nous donne à voir la communauté évangélique, très puissante aux USA, et largement soutenue par George W. Bush. Les USA comptent plus de 300 millions d'habitants dont près de 230 millions de chrétiens. 38% des Américains se définissent comme évangéliques et, lors des élections présidentielles de 2004, ils détenaient 54% des suffrages exprimés pour Bush. Un Américain sur trois écoute des stations de radio chrétiennes, ce qui représente une hausse de 50% depuis l'élection de Bush en 2000.
Qui sont-ils? Les évangéliques font partie d'une branche du protestantisme qui est composé de cinq points essentiels : le biblicisme (i.e. la Bible est la seule autorité) ; le crucicentrisme (i.e. seuls ceux qui croient en la mort de Jésus Christ sur la Croix seront sauvés) ; l'engagement militant ; la conversion (tout évangélique doit être "born-again", c'est-à-dire connaître une nouvelle naissance par le baptême) ; la pratique culturelle (expression de la piété avec spontanéité et émotivité).
Attention! Il ne faut confondre les évangéliques et les évangélistes. Ces derniers sont des professionnels de l'évangélisation (catholique, protestant réformé ou évangélique).
Dans Jesus Camp, les réalisatrices suivent le parcours de plusieurs enfants de 7 à 12 ans dans un camp d'été, endoctrinés jusqu'à la mœlle. Ces enfants -sous la direction de grands hâbleurs aux discours bien rôdés- prient, brisent des tasses censées représenter le péché, trouvent "anormaux" et "dangereux" les personnes qui pensent que l'Homme n'est pas la création de Dieu, pleurent d'extase et parlent en "langues" (c'est-à-dire des onomatopées sortant de la bouche et dictées par le Saint Esprit)…
Elles déclarent : "Nous avons cherché à comprendre en quoi toute cette génération d'enfants endoctrinée par l'idéologie évangélique va peser sur l'avenir des Etats-Unis lorsqu'elle atteindra l'âge adulte. (…) Nous avons souhaité réaliser un film qui suscite la réflexion et qui soulève des questionnements. De toute façon, une fois le film terminé et distribué, il ne nous appartient plus : il vit sa propre vie et des gens très différents, issus de milieux les plus divers, peuvent très bien se le réapproprier à leur guise. Tant que le film continue de susciter des débats, nous sommes ravies. Bien entendu, nous souhaiterions qu'il soit vu par des spectateurs de toutes confessions et de toutes convictions, car il s'adresse aussi bien aux gens de gauche que de droite, aux laïques qu'aux humanistes."
Un documentaire qui fait froid dans le dos. Quand ceux qui se disent contre l'intégrisme ont le nez dedans, on appelle ça comment? Imposture?
...HB....