Critiques ciné et autres.
22 Septembre 2007
Présenté à la Semaine de la Critique, Les Méduses a obtenu la Caméra d'Or lors du Festival de Cannes 2007, en mai dernier ; le long-métrage a également reçu le Prix SACD et le Prix de la Jeune Critique. Depuis le 5 septembre 2007, le film est visible sur les écrans français.
Le jour de son mariage, Keren se casse la jambe et doit renoncer à sa lune de miel aux Caraïbes… Une mystérieuse petite fille sortie de la mer change la vie de Batya, la jeune femme qui la recueille et qu'elle suit comme son ombre… Joy, une employée de maison philippine en exil, va, sans le vouloir, renouer les liens entre une vieille femme sévère et sa fille…
Bouteilles jetées à la mer, fragments d'humanités qui flirtent avec l'absurde… Dans un joyeux désordre, chacun cherche sa place, l'amour, l'oubli ou sa mémoire, car telle est la vie à Tel-Aviv…
Décidément, l'année 2007 nous aura offert deux films israéliens de très grande qualité mais d'une grande diversité aussi (voir article du 7 juillet 2007 sur The Bubble).
Réalisé par le couple Shira Geffen - Etgar Keret, Les Méduses est une mélopée comique, tragique et absurde, un OVNI qui laisse le spectateur émerveillé.
La réalisatrice explique comment lui est venue l'idée du film. "A l'origine, il s'agit d'un souvenir d'enfance qui m'a profondément marquée et qui m'a d'ailleurs inspiré une nouvelle que je n'ai jamais publiée. Quand j'étais petite, je me souviens d'un jour où mes parents m'ont emmenée à la plage ; ils m'ont mis une bouée et ont commencé à se disputer très violemment. Aujourd'hui, je garde de ce moment un sentiment d'instabilité, de flottement, voire de déséquilibre."
Flottement. Ce mot définit bien le film. L'audience est comme embarquée dans une aventure surréaliste mais aussi ancrée dans le réel, la peur, la précarité, la manque d'amour. Paradoxes.
Les réalisateurs laissent une note d'intention. "Les trois trames narratives du film fonctionnent comme les différentes facettes d'un même état d'âme. Un état existentiel fait de solitude et du désir inassouvi de communication et d'échange affectif. Nos héros ont besoin d'un intermédiaire pour exprimer et transmettre leurs sentiments. (…) Même si l'histoire se déroule dans un lieu précis, la ville de Tel-Aviv n'est pas le Tel-Aviv connu. Grâce à un filmage particulier et à un cadrage très défini, nous avons souhaité recréer une réalité décalée de la ville telle qu'elle est montrée dans la plupart des films israéliens. (…) Les héros du film ont l'illusion de choisir leur propre chemin. Ils se déplacent , tels des méduses, sans pouvoir contrôler leur vie. Les courants souterrains qui les poussent viennent du passé, d'expériences traumatiques ou de stéréotypes."
Un film tantôt dans une réalité violente et brutale, tantôt dans des envolées oniriques et surréalistes. Le mer joue un rôle à part entière. Elle sert "d'abri, de secours et de réconfort dans cette réalité israélienne si dense, imprégnée de violence, de suspicion et d'idéologies extrémistes" (Geffen et Keret). La mer est comme un territoire neutre, au-delà des croyances et des identités.
Avec en bande sonore une version franco-hébraïque de La vie en rose, ces Méduses offrent de vrais moments d'émotion, d'empathie, de tolérance et de rire aussi.
...HB...