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Un cinéphile dans la ville.

Critiques ciné et autres.

Paranoid Park, un film de Gus Van Sant


Pour son nouveau film, sorti le 24 octobre dernier, Paranoid Park, Gus Van Sant a choisi d'adapter le roman éponyme de Blake Nelson.

 
Affiche-Paranoid-Park.jpg

Paranoid Park (aussi appelé Punk Park) est situé à Portland, Oregon. Ce parc se situe au cœur d'une zone de transit de Portland, faisant le lien entre le sud-est et le nord-ouest de la ville. Dans les années 1980, le parc servait de repère au milieu punk de Portland et il est aujourd'hui réputé pour être un lieu fréquenté par la délinquance et les sans-abri, accueillant de nombreux trafics…

C'est ce cadre que Blake Nelson a choisi pour son roman et Gus Van Sant en a fait la pierre angulaire de son nouvel opus.

 

L'histoire tient en deux lignes. Alex, un jeune skateur, tue accidentellement un agent de sécurité tout près du skatepark la plus malfamé de Portland, le Paranoid Park. Il décide de ne rien dire.

 



Après l'impériale trilogie Gerry - Elephant - Last Days, on attendait avec impatience le nouveau Gus Van Sant, récompensé pour son œuvre à Cannes en mai 2007. L'intrigue de Paranoid Park se situe dans les méandres et la violence de l'adolescence paumée, tout comme Elephant. Mais la comparaison s'arrête là, mis à part des séquences filmées de la même manière (les travellings dans les couloirs du lycée). Parce que l'image gore du cadavre n'aurait pas sa place dans la trilogie suscitée. Parce que la verticalité des nuages d'Elephant est remplacée dans un générique à caméra fixe par des voitures passant sur un pont définitivement horizontal.

 

L'un des enjeux majeurs de Paranoid Park est de déplacer le sujet du film : ce n'est pas tant la culpabilité du héros qui prime, mais sa distance au monde réel. Gus Van Sant signe un film "vertigineux sous ses dehors cool et planants" (Télérama). Là où le roman se centrait sur la culpabilité, Gus Van Sant choisit de déconstruire la chronologie dans le déroulement du film, plaçant l'entrevue la plus dure avec le policier au début du film et cherchant à mélanger pendant 90 minutes les pièces de ce puzzle, et il prend le parti de nous emmener dans l'insouciance d'Alex, dans son extériorité.

 

La métaphore du skate-board est intelligente car le film opère comme un glissement entre plusieurs niveaux de réalité : celle perçue par Alex (avec des effets de ralenti), et celle, plus brutale (avec un retour au rythme 'normal' et fin du ralenti de la caméra), du quotidien qui le rattrape. La musique (merveilleuse bande-son, à posséder d'urgence) montre aussi des glissements successifs, passant d'une musique urbaine comme le rap à Beethoven, par exemple.

 

Entre Gerry et Paranoid Park, trois films plus tard, l'évolution du réalisateur Gus Van Sant est évidente. Celui qui est -pour moi- l'un des plus grands cinéastes en ce moment est passé vers une expérience esthétique détachée de la religion, de l'éthique. Les Cahiers du Cinéma, dans leur numéro d'octobre 2007, parlent d'évolution et non de rupture dans son cinéma (ce qui est juste) et mettent en avant une étude de l'œuvre de Fellini par Barthélémy Amengual qui analyse "la rupture advenue avec Juliette des esprits comme un saut du stade éthique vers le stade esthétique selon Kierkegaard". Il évoque un saut "d'une relation morale au monde, régie par le choix entre le bien et le mal et la nécessité d'assumer ses actes, à un stade où l'homme vit dans l'instant, s'accepte tel qu'il est et refuse de choisir, de poser un bien et un mal".

 

Quant à la forme, Gus Van Sant a travaillé avec Christopher Doyle, collaborateur fétiche de Wong Kar-Waï, que Van Sant admire. Le cinéaste s'explique : "J'ai essayé de pousser Christopher dans un territoire instable, un territoire "grand angle", aussi à cause des derniers films de Kar-Waï que j'avais vus (…) Il y a beaucoup de styles différents dans le film. Beaucoup de ralentis, ce que j'ai encouragé aussi, inspirés par les derniers films de Wong Kar-Waï".

 

Gus Van Sant livre donc avec Paranoid Park certainement l'un de ses plus grands films, dans une sorte de lyrisme réaliste.



...HB...
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