Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Un cinéphile dans la ville.

Critiques ciné et autres.

"La belle personne", un film de Christophe Honoré


En quatre films, Christophe Honoré s'est imposé comme un cinéaste majeur dans le paysage cinématographique français. Après 17 fois Cécile Cassard (2002), Ma mère (2004), Dans Paris (2006) et Les chansons d'amour (2007 - lire l'article du 25 mai 2007), le nouveau projet du cinéaste, La belle personne, sera sur les grands écrans le 17 septembre prochain.

 


 

Junie, seize ans, change de lycée en cours d'année suite à la mort de sa mère. Elle intègre une nouvelle classe dont fait partie son cousin Matthias. Il devient son ambassadeur auprès de sa bande d'amis. Junie est vite courtisée par les garçons du groupe, elle consent à devenir la fiancée du plus calme d'entre eux, Otto. Mais bientôt, elle sera confrontée au grand amour, celui de Nemours, son professeur d'italien. La passion qui naît entre eux sera vouée à l'échec. Ne voulant pas céder à ses sentiments, Junie s'obstine à refuser le bonheur, car il n'est à ses yeux qu'une illusion.

 


 

Librement inspiré par La Princesse de Clèves de Madame de Lafayette, La belle personne met en scène Léa Seydoux (nouvelle venue) et Louis Garrel, dans sa quatrième collaboration avec Christophe Honoré. Le cinéaste s'explique sur son envie de faire ce film : "Depuis longtemps, j'ai envie de filmer des adolescents, mais en évitant la nostalgie et la sociologie qui sont les deux écueils de ce genre de film. "Jamais cour n'a eu tant de belles personnes". Tout a débuté avec ces quelques mots de Madame de Lafayette, mots qui ont entraîné dans mon esprit l'idée d'une autre cour, celle d'un lycée parisien, avec d'autres belles personnes, la jeunesse d'aujourd'hui." De la cour royale du 16ème siècle de La Princesse de Clèves, l'on passe à la cour du lycée Molière dans le 16 ème arrondissement de Paris, lycée qui est construit et conservé tout en galeries ouvertes et balcons, presque comme un cloître.

 

Si Christophe Honoré a choisi La Princesse de Clèves, c'est aussi en réaction à l'attitude de Nicolas Sarkozy en février 2006 qui avait déclaré en critiquant le contenu des examens de la fonction publique : "L'autre jour, je m'amusais -on s'amuse comme on peut- à regarder le programme du concours d'attaché d'administration. Un sadique ou un imbécile, choisissez, avait mis dans le programme d'interroger les concurrents sur La Princesse de Clèves. Je ne sais pas si cela vous est souvent arrivé de demander à la guichetière ce qu'elle pensait de La Princesse de Clèves... Imaginez un peu le spectacle!"

Au-delà de la bêtise crasse et de la pensée de beauf qu'a eu le candidat à la Présidence de la République, cette phrase est révélatrice du nivellement par le bas voulu par les dirigeants... Christophe Honoré avait été dérangé par ces propos stupides et déclare : "Je ne peux m'empêcher d'être accablé par ce type d'ignorance. Que certains puissent défendre l'idée qu'aujourd'hui n'a rien à apprendre d'un roman écrit il y a plus de trois siècles est le signe d'une méconnaissance de ce qui fait l'existence même et la nécessité de l'art pour l'expérience humaine."

 

Mais je reviens au film même. La belle personne est une gracieuse variation sur la jeunesse, la difficulté de l'adolescence, et une étude sur le sentiment amoureux. Christophe Honoré filme une jeunesse idéalisée, qui n'a peut-être jamais existé. L'action se déroule aujourd'hui mais l'on rencontre plusieurs époques, des années 1990 (look des élèves), ou 1960/1970 (Alain Barrière dans un juke-box, utilisation des magnétophones et vinyles...). La jeunesse rêvée filmée par Honoré est élégante, à l'image de Louis Garrel ou Grégoire Leprince-Ringuet (déjà vu dans Les chansons d'amour) malgré, selon le cinéaste, "un monde qui les agresse, les considère toujours plus ou moins comme des ennemis". Christophe Honoré filme les jeunes comme des divinités, avec élégie et tendresse.

 

Honoré choisit une grande liberté par rapport au roman, ne gardant qu'une phrase ("Si nous sommes deux personnes comme les autres, combien de temps allons-nous nous aimer? Il n'y a pas d'amour éternel."), mais avec un attachement à l'œuvre dans la trame (il garde même le nom de Nemours pour le personnage de Louis Garrel), la peur de perdre la face devant un groupe.

 

La belle personne est la fin de la "trilogie de l'hiver" (après Dans Paris et Les chansons d'amour) qui était selon le cinéaste "un portrait en trois volets de la jeunesse, de l'amour et de Paris". En effet, ces trois thèmes s'entremêlent dans les trois volets.

 

Christophe Honoré (qui prépare son prochain film) est sans conteste une des grandes révélations des années 2000, dans la lignée de Truffaut et Godard, à qui l'on ne peut s'empêcher de penser à la vision de La belle personne. Il draine avec lui une culture et une nouvelle génération ; Louis Garrel et Grégoire Leprince-Ringuet, mais aussi Clotilde Hesme qui a un petit rôle dans ce dernier film et Chiara Mastroianni fait une rapide apparition en lançant un sourire à Junie dans un café. L'actrice, membre de la "famille" Honoré, a incarné la Princesse de Clèves dans La lettre de Manuel de Oliveira, déjà une adaptation contemporaine du chef-d'œuvre de Madame de Lafayette... La boucle est ainsi bouclée.

 

Les errances des jeunes, leurs tourments, leur quête de soi font de La belle personne un film universel qui parle de nous tous. En prime, une BO magnifique avec notamment quatre titres du mythique Nick Drake (Way to blue, Day is done, Fly et Northern sky).

 

 

...HB...
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article