Critiques ciné et autres.
15 Septembre 2008
Après son excellent film L'avocat de la terreur (César 2008 du meilleur documentaire), Barbet Schroeder revient à la fiction avec un nouveau long-métrage en salles depuis le 3 septembre : Inju, la bête dans l'ombre, adapté d'un célèbre roman japonais.
Débarqué au Japon pour la promotion de son nouveau roman, Alex Fayard rencontre une geiko, Tamao, menacée de mort par un ancien amant. En acceptant de l'aider, il se retrouve face à Shundei Oe, l'auteur de livres policiers dont il est le spécialiste français. Dès lors, il plonge dans un monde de mystère et de perversité, sur les traces d'un homme assoiffé de vengeance.
Inju est à la base un roman du japonais Edogawa Ranpo paru en 1928. Edogawa Ranpo (1894 - 1956) est très célèbre au Japon et a choisi son pseudonyme en hommage "phonétique" à Edgar Allan Poe. Ranpo est très respecté au Japon, son œuvre est marquée par la violence, le sexe et l'amoralisme, un peu comme le personnage de Shundei Oe, l'écrivain. Barbet Schroeder a découvert le roman Inju grâce à Raoul Ruiz qui le lui a conseillé : "Il y a cinq ans, Raoul Ruiz m'a offert Inju. Il pensait que c'était un sujet pour moi. J'ai trouvé le roman effectivement fascinant mais cette histoire de rivalité entre écrivains japonais m'avait semblé trop difficile à adapter. Quelques années plus tard, je reçois par la Poste un scénario, intitulé Inju, écrit par Jean-Armand Bougrelle. (...) C'est en lisant son adaptation que j'ai définitivement été séduit par cette histoire. Bougrelle avait eu l'idée décisive que l'in des deux romanciers rivaux soit un étranger, un français spécialiste de l'œuvre de Shundei Oe, un avatar de Ranpo lui-même".
Le rôle de Benoît Magimel (Alexandre Fayard) est en effet un romancier français, professeur d'université également, qui est fasciné par Shundei Oe à tel point qu'il commence à écrire des livres à la manière de son maître en le rendant moins méchant pour accéder à une reconnaissance internationale. Il est certain de comprendre à la perfection l'univers de Shundei Oe et son assurance arrogante va l'entraîner dans une expérience violente lors de sa venue au Japon.
Alexandre Fayard va rencontrer un geiko dont il tombe amoureux et qui lui demande de l'aide, à lui qui connaît si bien Shundei Oe et son œuvre.
Barbet Schroeder livre un film très esthétique, en partie hommage au cinéma en usant de plusieurs ressorts du film de genre. Le Japon est sublimé par la caméra amoureuse du cinéaste. L'intrigue n'est pas l'intérêt majeur pour le spectateur malgré le suspense. Quand le dénouement arrive, la surprise est certes là, mais Schroeder s'est amusé -à la manière de Shundei Oe et donc Edogawa Ranpo- à attirer notre attention sur autre chose, la forme esthétique en l'occurrence. "Il fallait que le film devienne un pur objet de contemplation, une surface lisse et réfléchissante" assure le réalisateur. Pari réussi pour un film beau et manipulateur, à l'image de son créateur.