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Un cinéphile dans la ville.

Critiques ciné et autres.

"Parlez-moi de la pluie" par Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri


Quatre ans après Comme une image, Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri proposent Parlez-moi de la pluie, leur septième scénario et troisième réalisation pour Jaoui. Une comédie grinçante sur l'humiliation ordinaire avec Jamel Debbouze en tête d'affiche.

 


 

Agathe Villanova, féministe nouvellement engagée en politique, revient pour dix jours dans la maison de son enfance, dans le sud de la France, aider sa sœur Florence à ranger les affaires de leur mère, décédée il y a un an. Agathe n'aime pas cette région, elle en est partie dès qu'elle a pu. Les impératifs de la parité l'ont parachutée ici à l'occasion des prochaines échéances électorales. Dans cette maison vivent Florence, son mari, et ses enfants. Mais aussi Mimouna, femme de ménage que les Villanova ont ramenée avec eux d'Algérie, au moment de l'indépendance.

Le fils de Mimouna, Karim, et son ami Michel Ronsard entreprennent de tourner un documentaire sur Agathe Villanova, dans le cadre d'une collection sur "les femmes qui ont réussi".

On est au mois d'août. Il fait gris, il pleut. Ce n'est pas normal. Mais rien ne va se passer normalement.

 

 

 

 

 

 

 


 

Cette troisième réalisation d'Agnès Jaoui (après Le goût des autres en 2000 et Comme une image en 2004) doit son titre à la chanson de Brassens L'orage : "Parlez-moi de la pluie et non pas du beau temps / Le beau temps me met en rage et me fait grincer des dents". Un soir, pendant l'écriture du scénario, Jaoui a écouté cette chanson sur son iPod en rentrant chez elle et a eu l'envie de l'inclure au film. "Je me suis dit : un moment, il va pleuvoir, ils vont devoir se casser je ne sais pas où, et il y aura cette musique. Finalement, on n'a pas gardé la chanson de Brassens, qui devait intervenir à la fin. Ce titre, c'est aussi une manière de prendre le contre-pied de l'imagerie qui veut qu'il fasse beau, qu'on soit bronzé, qu'on ait les dents blanches, avec des enfants qui courent partout..." explique la cinéaste. A l'image de la scène où Agathe Villanova ne supporte plus de parler pendant que les moutons bêlent à côté d'elle. Jolie façon de montrer que le tandem n'a pas l'intention de suivre une mode ou un courant.

 

Comme toujours, les "Jabac" ont pour désir de filmer le monde tel qu'il est maintenant. Le tandem aime que leurs personnages soient d'ici et maintenant, à une époque donnée. D'ailleurs, alors qu'il doit interviewer Agathe (Agnès Jaoui) avec Karim (Jamel Debbouze), Michel (Jean-Pierre Bacri) choisit un endroit "d'où l'on voit la France". Agathe Villanova est une femme politique, ou plutôt un écrivain féministe propulsé sur le terrain politique. Agnès Jaoui avoue s'être inspirée de femmes qu'elle connaît comme Clémentine Autain ou Elisabeth Guigou -en tout cas pas de femmes "habituées à manier la langue de bois depuis l'ENA"- mais aussi d'elle-même, confie-t-elle, d'une "certaine façon d'être péremptoire que je peux avoir parfois". On se souvient de l'engagement de Jaoui aux côtés des intermittents du spectacle en 2003.

 

Le cœur du film est le thème de l'humiliation ordinaire. Tous les personnages la subissent à leur façon. La sœur d'Agathe par son mari qui le prend plus ou moins pour une idiote, Agathe dans son combat féministe dans un monde machiste, Michel par son côté loser dans son boulot comme sa vie privée, Karim par ses origines... Les névroses sont le commun des personnages, tous en quête de quelque chose. D'ailleurs, on entend la phrase de Kierkegaard : "l'angoisse est le possible de la liberté".

 

Jamel Debbouze évoque le travail sur ce thème avec les Jabac : "Ensemble, on parle très souvent de l'humiliation ordinaire, du racisme de la boulangère qui fait passer la petite dame blanche avant la petite renoi. Cette forme de condescendance est ce qu'il y a de plus pernicieux aujourd'hui et il est indispensable de le relever. Ce que vit la mère de Karim dans le film, ma mère l'a vécu toute sa vie : se faire tutoyer par la pharmacienne, c'est pas grave en soi, mais c'est très grave en soi... (...) J'aime la manière dont Agnès et Jean-Pierre traitent ce mal du 21ème siècle : en s'arrêtant au détail parce que le diable est dans le détail." L'acteur reconnaît d'ailleurs avoir grandi dans un monde où hommes et femmes ne sont pas du tout à égalité : "Au départ, elle me faisait très peur. Cette femme est très intelligente et très belle. C'st assez agaçant quand tu n'es pas outillé. Parce que je viens de là où je viens et on n'a pas tous les codes pour comprendre. (...) Les femmes autour desquelles j'ai pu grandir, ce sont des femmes assez éteintes par leur mari, malheureusement, et qui n'ont jamais réussi véritablement à s'affirmer".

 

Parlez-moi de la pluie marque d'ailleurs les débuts de Mimouna Hadji, rencontrée par Agnès Jaoui au moment des repérages. "J'adore cette femme. Elle est venue d'Algérie à 17 ans avec son mari et on l'a rencontrée parce qu'elle était gardienne d'une maison qu'on louait." Son histoire est assez proche du rôle qu'elle a dans le film : une algérienne d'une soixantaine d'années qui a toujours travaillé dans la maison des anciens "colons", situation malheureusement encore courante.

 

Si le scénario écrit par Jaoui et Bacri (à la plume toujours aussi féroce et redoutablement drôle) est bien construit, il manque tout de même un petit quelque chose pour élever ce nouveau fil au rang de ses prédécesseurs. Peut-être un peu d'originalité. Parlez-moi de la pluie reste néanmoins un bon film qui -encore une fois- nous tend un miroir pas toujours flatteur. Sans en faire trop ou pas assez. Juste, comme eux.



...HB...
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Z
Film un peu décevant et un peu trop de longueur, par contre Jamel joue très bien.