Critiques ciné et autres.
18 Septembre 2008
Présenté en ouverture du Festival de Cannes 2002 et sorti en salles simultanément, Hollywood Ending est pour moi le meilleur film de Woody Allen dans les années 2000. Un hymne à la cruauté du monde du cinéma une nouvelle fois brocardé, cette comédie jubilatoire est aussi une nouvelle occasion pour le cinéaste de déclarer son amour pour New-York.
Val Waxman (Woody Allen), un réalisateur qui a connu son heure de gloire dans les années 80, met aujourd'hui en scène de simples spots publicitaires. A Hollywood, certains le traitent d'"artiste", d'"intello" ou de "perfectionniste maniaque", tandis que d'autres le considèrent comme un fauteur de trouble, un nombriliste névrosé et un incurable hypocondriaque.
Val vient d'être viré de son dernier tournage au Canada. Il se sait au bout du rouleau. C'est alors que son ex-femme, Ellie (Tea Leoni), lui offre une chance inespérée de se refaire. Elle suggère au puissant producteur Hal Yeager (Treat Williams), son patron et amant, de confier à Val la réalisation d'un film de soixante millions de dollars : The City that never sleeps, une ode à sa ville favorite : New York. Poussé par son agent Al Hacks (Mark Rydell), Val emporte de justesse le contrat. Mais une "petite complication" surgit. A la suite d'un trouble nerveux, Val perd la vue... la veille du tournage.
Situé en plein New-York, Hollywood Ending revisite les démons de Woody Allen : le couple, l'hypocondrie, la paranoïa, le monde du spectacle... Nouveau thème du réalisateur depuis quelques années : la crise que connaît la culture aux USA, le nivellement par le bas. En effet, Val, le "double" un peu loser du cinéaste, se demande comment en dix ans le public a-t-il pu devenir si bête et note que son film -s'il le fait-, de bonne qualité, ne rencontrera pas un large public tant les grosses productions actuelles sont emplies de bêtise et d'effets creux.
Derrière la satire culturelle et sociale se dévoilent des dialogues hilarants et savoureux. La scène du tête-à-tête avec son ex-femme dans un bar, scène dans laquelle Val n'arrive pas à avoir une conversation suivie sur le film tant il est hanté par son divorce, est pour moi à mourir de rire. Val et Ellie parlent du film et, à plusieurs reprises, Val digresse brusquement vers la vie privée en éructant quant au nouveau compagnon de son ex-femme. Il critique sa fatuité, son manque de culture, son assurance d'homme d'affaires... Et une nouvelle fois, Woody Allen établit un fossé entre New-York et Los Angeles. Quand Ellie lui parle d'un herboriste "génial" qu'elle voit à Beverly Hills. Val estime que s'il est "génial" à Beverly Hills, il serait "entre normal et débile" à New-York parce que "l'évaluation" n'est pas la même. D'ailleurs, Allen ne fait-il pas un clin d'œil à la Californie en prenant une héroïne de la série Beverly Hills (Tiffani Thiessen) pour jouer l'actrice sophistiquée et "prête à tout sexuellement" avec un réalisateur...
Pour diriger son film malgré sa "cécité psychosomatique", Val va demander la complicité du traducteur du chef-op chinois puis d'Ellie pour l'assister et lui indiquer ce qu'il se passe sans que personne ne soupçonne son handicap, car ce film est sa dernière chance. Par la psychanalyse, Val tente de comprendre le choc qui a pu provoquer cette perte de la vue et quels conflits intérieurs sont à régler pour retrouver la vue. Une jolie métaphore à la fois du monde du cinéma et de la famille -au passage.
Avec un casting de choc et un scénario sans faute, Woody Allen réalise un de ses meilleurs films. Hollywood Ending est une comédie qui sait se faire la critique de la culture américaine en berne tout en se moquant de son culte en Europe, notamment dans la critique française...