Critiques ciné et autres.
12 Avril 2006
Réalisé par Anne Fontaine (Nettoyage à sec, Entre ses mains…), ce film raconte l'histoire de deux femmes. L'une est mariée, bourgeoise, active. L'autre est entraîneuse dans un bar de nuit. Catherine (Fanny Ardant) apprend que son mari Bernard (Gérard Depardieu) la trompe. Catherine est bouleversée et décide de payer Marlène (Emmanuelle Béart) pour coucher avec son mari sans que ce dernier sache que sa femme est à la source de cette relation extraconjugale. Elle veut qu'elle lui dise tout, tous les détails. Catherine fait de Marlène Nathalie, celle qui ment. C'est leur secret, leur histoire.
Chaque jour, Nathalie raconte dans les moindres détails ses rencontres avec Bernard. Toujours avec indifférence (C'est mon métier dit-elle) et de manière très crue. En voici un exemple.
"Il s'est avancé vers moi, j'ai senti son souffle, je crois qu'il était déjà très excité. Et puis il m'a empoigné la nuque, il m'a demandé d'enlever tous mes vêtements, de m'allonger sur le lit, de fermer les yeux. Il a éteint, sauf la lumière de la salle de bains, il s'est déshabillé. Je le voyais pas mais je savais qu'il ne me quittait pas des yeux. Il est venu sur moi et j'ai senti sa bouche sur mon cou, sa langue sur mes seins. Il voulait me prendre là, tout de suite, mais j'ai pensé que ce serait un peu rapide alors je me suis levée, je suis allée prendre un verre, j'avais soif. Il m'a suivie, il s'est collé à moi par derrière. J'ai commencé à bouger les fesses. Il a pris sa queue dans sa main, il me caressait partout, il m'a demandé si j'aimais ça, il voulait m'entendre le dire. Je lui ai donné une capote et il m'a pénétrée. Il ne bougeait presque pas, comme s'il avait peur de venir trop vite. Je dis ça parce qu'il s'est retiré d'un coup, il a voulu qu'on retourne sur le lit. Là, je l'ai branlé, lentement, en faisant attention. Je voulais pas qu'il jouisse comme ça. Et puis je suis montée sur lui, j'ai laissé ma tête partir en arrière. Souvent, les hommes, ils aiment pas qu'on les regarde, comme ça ils se branchent sur ce qui les excite. Quand il a joui, il s'est empêché de crier. Je crois qu'il a aimé. Voilà."
Nathalie raconte ces scènes avec froideur, devant une Catherine à la fois effondrée, curieuse et fascinée par celle qu'elle paie pour contrôler l'infidélité de son mari. La verbalisation des fantasmes, des actes sexuels de son mari avec d'autres femmes permet à Catherine de mieux accepter l'infidélité de son mari. Elle a besoin, elle veut tout savoir, tout maîtriser. Elle loue le corps d'une autre femme pour contrôler la sexualité de son mari. Mais les motivations de départ entraînent parfois vers d'autres aventures plus obscures. Une complicité naît entre Catherine et Nathalie, mélange de fascination et de tendresse. Il s'installe un désir, un suspense érotique. Selon la réalisatrice, l'attirance de Catherine pour Nathalie vient du fait, je cite, que "les putes fascinent beaucoup plus les femmes que les hommes car les hommes vont vers elles pour accomplir un acte prosaïque" alors que "la prostituée arrive à détacher sa sexualité de ses affects, ce qui fascine les autres femmes". Catherine offre Nathalie à son mari mais, sans le savoir, elle se l'offre aussi à elle-même car elle repart peu à peu à la conquête de son désir.
Nathalie… est un film sur le fantasme. Tout le monde ment : Bernard dissimule, Catherine ne dit pas la vérité à son mari, Nathalie a son mystère… La particularité du film est de ne jamais montrer une scène de sexe car, toujours selon Anne Fontaine, "le langage a une puissance érotique très forte". Le désir est donc au cœur du film. Chaque personnage est en quête de son désir : Bernard qui prend des maîtresses auxquelles il ne s'attache pas, Nathalie qui est dans la mécanique du sexe et n'a pas de vie personnelle amoureuse et Catherine dont la sexualité est en sommeil.
Catherine apprend en fin de compte que Nathalie n'a jamais rencontré Bernard, qu'elle a tout inventé. Nathalie a accepté pour l'argent mais a tout de même aidé Catherine en lui faisant part de fantasmes auxquels elle n'avait pas pensé car sa sexualité était en berne. Catherine ne lui en veut pas car elle a pris plaisir à écouter Nathalie, comme si cela lui avait permis de retrouver le désir, de relancer sa libido.
Finalement, cette expérience ressoude le couple Catherine-Bernard, usé au départ, après trente ans de mariage. Le désir et la sexualité n'ont plus la même forme, mais ils ont mûri pour reprendre un nouveau départ après "l'expérience Nathalie".
Le spectateur suit Catherine dans le chemin qu'elle a créé, ce jeu de manipulation du désir. La sexualité est toujours suggérée ou verbalisée et non montrée. Jacques Fieschi, le scénariste de Nathalie… déclare : "Le fantasme n'est qu'une imagerie, il y a aussi les mots, qui troublent, qui orientent, qui intiment. En quelque sorte, Catherine a de la chance, elle découvre un nouveau champ de désir."
La crise dépassée, il semble que le couple soit renforcé ; Nathalie… s'achève sur un "Je t'aime" de Bernard à Catherine.
...HB...