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Un cinéphile dans la ville.

Critiques ciné et autres.

Le chat




Rencontre de deux géants : Simone Signoret et Jean Gabin, sous la direction de Pierre Granier-Deferre en 1971.

Le cinéaste nous peint un triste tableau. Un triste pavillon de banlieue, isolé au beau milieu de maisons abattues, attend le même sort. Cette bâtisse temporairement rescapée abrite un vieux couple, Clémence et Julien Bouin, qui s'est aimé autrefois et se déteste aujourd'hui. Chacun fait ses courses de son côté, chacun a son frigo, son placard, son lit, etc… Julien (Jean Gabin), le mari, reporte toute son affection sur un chat errant. Mais un jour, Clémence (Simone Signoret), éperdue de jalousie, tue le chat à coups de revolver. Désormais, la haine s'installe entre eux et Julien décide de ne plus jamais adresser la parole à Clémence…

 

Dans les premières minutes du film, aucun des deux personnages ne parle, ce qui crée dès le départ un sentiment de malaise. On sent bien la tension dans ce couple usé. Chacun semble vouloir faire exprès de gêner l'autre en permanence. Par exemple, Julien fait cuire des oignons, dont l'odeur indispose visiblement sa femme. Ils mangent chacun à sa table sans même se regarder où s'adresser la parole. Greffier, le chat que Julien aime tant, est un personnage important dans le film car il stigmatise la barrière qui oppose le mari de la femme.

 

Julien Bouin est un typographe à la retraite qui semble ne plus s'intéresser à quoi que ce soit, il le confie lui-même à son amie -et ancienne maîtresse?- Nelly (Annie Cordy) qui tient un hôtel de passe (Je ne m'intéresse plus à rien et je m'en fous). Clémence, elle, est une artiste de cirque qui a dû stopper sa carrière à la suite d'une chute lors d'un numéro de funambule. La chute l'a rendue boiteuse et cette infirmité lui rend toute activité dans le cirque impossible. Elle se console et regardant les photos de ses spectacles passés, de la même manière que Julien collectionne tous ses vieux journaux. Clémence ne peut se résoudre à son infirmité et donnerait tout pour pouvoir refaire du cirque et son mari n'a de cesse que de se moquer d'elle en l'appelant "l'acrobate".

Le film est ponctué de quelques flash-backs qui montrent un couple jeune éperdument amoureux. La maison qu'ils habitent devait être "la maison du bonheur" mais tout s'est dégradé.

Clémence est devenue alcoolique, ce qui énerve son mari (Si tu voyais ta gueule… T'es pas belle à voir. Tu te dégrades de jour en jour, ma pauvre.) et le rend très dur. Jean Gabin interprète à merveille le rôle de cet homme désabusé qui reporte toute l'affection qui reste sur Greffier, le chat errant qu'il a un jour trouvé dans la rue.

 

Le réalisateur du film, Pierre Granier-Deferre, explique qu'il y a malgré tout de la tendresse dans "ce couple qui s'est aimé physiquement et moralement" mais que l'usure du quotidien a rongé. Clémence est jalouse du chat car la tendresse de Julien lui est entièrement dédiée, tendresse que Clémence réclamerait pourtant. Dans une scène de dispute, elle dit qu'elle veut, elle aussi, une bête. "Toi, tu as le chat, moi j'ai rien." Julien lui répond : "Ca y est! L'acrobate a ses humeurs! Tu vas pas me faire une scène, à ton âge. Ne sois pas grotesque." On ignore pourquoi ce couple a cessé de s'aimer du jour au lendemain. Quand Clémence réclame des explications à son mari sur le pourquoi de ce désamour soudain alors qu'ils s'aimaient, lui demandant ce qu'elle a fait de mal, si c'est parce qu'ils n'ont pas fait d'enfant et lui avouant même qu'elle l'aime encore, ce dernier lui répond : "Je t'aimais et j'ai changé, je ne t'aime plus, c'est comme ça. Le monde change, j'ai changé aussi." Julien refuse tout dialogue. Quand son amie Nelly lui demande pourquoi ils ne se séparent pas pour refaire leur vie, il répond "à notre âge, on s'habitue et on va jusqu'au bout. Et puis, qu'est-ce que je ferais d'une autre femme".

Cette remarque pose la question du divorce dans les années 1970, encore épineuse, surtout pour la génération à laquelle appartient le couple Bouin. Le vieux couple ne divorce pas, car l'idée de séduction et de désir semble éteinte à partir d'un certain âge. Clémence, dans un moment de solitude, dit : "Il devrait exister une loi : interdiction absolue aux gens qui ne s'aiment plus de vivre ensemble."

 

La haine va s'installer entre eux lorsque Clémence, dans un coup de folie, tue le chat. Julien quitte alors la maison pour s'installer dans l'hôtel de Nelly devant lequel Clémence passe tous les jours pour apercevoir son mari à la fenêtre. Il finit par revenir mais lui affirme qui ne lui adressera plus jamais la parole. Pour communiquer, il lui écrit sur des petits bouts de papier qu'il plie en quatre et lui jette sur les genoux. Elle conserve d'ailleurs tous ces papiers dans une petite boite sous son lit.

 

Malgré tout, il y a de la tendresse entre eux car la haine est souvent le pendant de l'amour. Clémence a le cœur fragile et lorsqu'elle fait une crise cardiaque fatale, Julien monte précipitamment dans la chambre et met fin à ses jours.

 

On voit donc dans ce film un couple usé par le quotidien et les blessures du passé. Un couple qui s'est aimé mais ne s'aime plus sans pour autant pouvoir se séparer. Question d'époque peut-être là aussi. Il s'agit plus d'un désenchantement, d'une perte de tout désir. Le chat est finalement, derrière sa cruauté apparente, un film d'amour à tendance romantique.


...HB...

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