Critiques ciné et autres.
10 Août 2009
Révélée au grand public avec La nouvelle Eve en 1999, la réalisatrice Catherine Corsini a livré en 2001 le sublime long-métrage La répétition. Depuis, elle avait déçu avec les plutôt désastreux Mariées mais pas trop (2003) et Les ambitieux (2007). Cette semaine, elle revient avec certainement son plus beau film, Partir, avec Kristin Scott-Thomas en héroïne tragique. Un film qui rend aussi hommage à François Truffaut dans ses films d'amour les plus poignants.
Suzanne a la quarantaine. Femme de médecin et mère de famille, elle habite dans le sud de la France, mais l'oisiveté bourgeoise de cette vie lui pèse. Elle décide de reprendre son travail de kinésithérapeute qu'elle avait abandonné pour élever ses enfants et convainc son mari de l'aider à installer un cabinet. A l'occasion des travaux, elle fait la rencontre d'Ivan, un ouvrier en charge du chantier qui a toujours vécu de petits boulots et qui a fait de la prison. Leur attraction mutuelle est immédiate et violente et Suzanne décide de tout quitter pour vivre cette passion dévorante.
Le film s'ouvre sur un coup de feu. Le ton est donné, cette histoire d'amour finira mal. Ce n'est donc pas la fin tragique qui intéresse la cinéaste mais plus la spirale d'événements qui font conduire à cette issue. "Très vite, à l'écriture, j'ai ressenti le besoin d'ouvrir le film avec ce coup de feu qui laisse présager le drame. Je voulais créer une tension, pour qu'immédiatement on sente qu'on irait jusqu'au bout de la passion, avec tout ce que ça de fort, de beau, d'inéluctable et de tragique. (…) On sait dès le début qu'il va y avoir un drame, sans savoir pourtant s'il s'agit d'un suicide ou d'un meurtre. (…) On sait qu'on va être spectateur de ce drame " confie Catherine Corsini.
Tourné dans les environs de Nîmes, avec la brillante chef opératrice Agnès Godard, le film subjugue dès le départ par sa grande beauté. La réalisatrice voulait notamment des scènes d'amour à la fois crues et belles, ce qu'Agnès Godard maîtrise parfaitement. Partir, c'est l'histoire d'une femme, Suzanne, mère de famille bourgeoise, qui s'ennuie maintenant que ses enfants sont ados et avec son mari macho et possessif, très bien campé par Yvan Attal. "T'es ma femme!" lui répète-t-il sans cesse. Quand elle rencontre Ivan (Sergi Lopez) sur le chantier de son cabinet de kiné, c'est le coup de foudre presque immédiat. Suzanne (Kristin Scott-Thomas, toujours aussi parfaite décidément) va vite comprendre l'impossibilité de ses amours clandestines car elle ne sait pas faire semblant. Elle est une héroïne forte, à la Madame Bovary ou Anna Karénine. A force d'être mal aimée par son mari, elle a peur de ses propres sentiments mais comprend vite qu'elle ne peut plus vivre sans Ivan et décide de quitter son mari et ses enfants. Il ne s'agit d'une passade adolescente, elle n'a plus l'âge de passer à côté de sa vie. A la jalousie obsessionnelle du mari vient se mêler une lutte des classes. On ne sait d'ailleurs pas vraiment si c'est de perdre sa femme ou qu'elle le quitte pour un "prolo" qui le rend fou. Samuel, le mari, qui souffre malgré tout, va tout faire pour rendre la vie impossible à sa femme : geler les comptes bancaires, faire ressurgir le passé trouble d'Ivan… Ivan, lui, est plus lucide, même si la passion l'emporte. Il sait bien que leur amour doit faire face à tant d'obstacles mais il est prêt à mourir pour Suzanne, il est prêt à prendre tous les risques pour vivre avec elle.
La passion va dévorer le couple Suzanne-Ivan, prêts à tout pour rester ensemble, même dans la plus grande difficulté. Kristin Scott-Thomas a rarement aussi bien manié à la fois la force et le désespoir, le masque social et la vérité nue sans fard, la passion inéluctablement fatale et le bonheur des instants partagés avec son amour.
Partir est n'est ni un thriller, ni un mélodrame, ni une chronique sociale mais un hybride de tout cela, un film total et embrasse tant de thèmes avec sobriété, intelligence et sensibilité. La bande-son de Partir est faite de morceaux de Georges Delerue, compositeur fétiche de François Truffaut, écrits pour La femme d'à côté, Vivement dimanche!, La sirène du Mississippi…, des amours tragiques. Avec Partir, Catherine Corsini signe un film d'une immense puissance émotionnelle avec cette patte de "sècheresse et rudesse" qui est sienne, de son propre aveu. Un film incontournable qui a marqué son public lors d'une avant-première parisienne : nous sommes restés statiques et silencieux pendant une bonne minute avant d'acclamer le film pendant tout le reste du générique.