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Un cinéphile dans la ville.

Critiques ciné et autres.

"Non ma fille, tu n'iras pas danser", un film de Christophe Honoré


Après sa "trilogie de l'hiver" (Dans Paris en 2006, Les chansons d'amour en 2007 et La belle personne en 2008), le déjà culte Christophe Honoré livre Non ma fille, tu n'iras pas danser, un sixième long-métrage qui offre à Chiara Mastroianni son plus beau rôle.

 

 


 

Depuis qu'elle s'est séparée de Nigel, Léna traverse la vie comme elle peut avec ses deux enfants. Elle triomphe avec vaillance des obstacles semés sur leur route. Mais il lui reste à affronter le pire : l'implacable bonté de sa famille qui a décidé de faire son bonheur.

 

 

 

 


 

La scène d'ouverture du film montre Lena (Chiara Mastroianni), fraîchement divorcée sa fille dans les bras, cherchant son fils dans la gare Montparnasse, à l'image d'une mère perdue dans son quotidien, perdue dans sa vie, pleine de doutes et qui part dans sa Bretagne natale (là où a grandi la réalisateur) retrouver sa famille. La galerie de portraits est implacable : la mère poule et monstre qui règne en tyran mais garde pour elle sa sensualité (Marie-Christine Barrault, géniale), le père qui se sait condamné et s'efface (Fred Ulysse), le jeune frère qui tourne tout à la dérision de peur d'être pris au sérieux (Julien Honoré, révélation et frère du cinéaste), la sœur dure et plus complexe qu'on ne le croit qui essaie de sauver son couple et donne des leçons en veux-tu en voilà (Marina Foïs, décidemment épatante de film en film), le beau-frère que l'on met sur la touche (Marcial Di Fonzo Bo, à qui l'on doit La estupidez, déjà avec Marina Foïs à Chaillot - lire l'article du 22 mars 2008)…

 

Dans cette famille, ce sont les femmes qui intéressent le plus Christophe Honoré. Au-delà de la réflexion sur le bonheur, la famille et la liberté, c'est bien des femmes que parle le cinéaste expliquant : "J'ai beaucoup observé la mère de ma fille et me suis aperçu que je pouvais avoir moi-même un discours incroyablement machiste, entrer à ma grande surprise dans cette violence gratuite faite aux femmes qui consiste à les accuser si facilement d'être de mauvaises mères. Cela m'a semblé être un vrai sujet de film, de film contemporain". Chiara Mastroianni ajoute, évoquant son personnage : "Lena est victime de cette violence faite aux femmes encore aujourd'hui. Mais victime aussi de la violence qu'elle s'inflige à elle-même, désarmée devant la difficulté de mener à la fois une vie de mère et une vie de femme, luttant contre la tentation de redevenir une petite fille. (…) Tout le dit vouloir son bien, mais sait-on jamais vraiment ce qui est bien pour quelqu'un?"

 

Pour le scénario, Christophe Honoré a travaillé avec Geneviève Brisac pour adapter son roman Week-end de chasse à la mère. Les dialogues savoureux et délicats font rire avant de laisser place à un léger malaise devant l'oppression latente qui plane sur le film. Pour Lena, tout est oppression et accumulation au cœur de sa famille ; quand sa mère lui propose le plateau de fromages après la tartiflette, elle réplique "Du fromage après une tartiflette? Et c'est quoi pour le dessert? Du cheese-cake?" La musique, une nouvelle fois signée Alex Beaupain (César 2008 de la meilleure musique originale pour Les chansons d'amour), apporte un souffle particulier au film, tout comme le choix parfait de Another world d'Antony & the Johnsons (lire l'article du 4 mars 2009) pour la scène finale.

 

Au sein de ce film, Honoré propose un interlude sous forme de conte en musique, sans aucun dialogue. C'est la mise en image d'un conte traditionnel breton, l'histoire de Katell Gollett., qui préférait la danse à son "devoir". Les grands-mères avaient pour coutume de répéter à leurs filles de rester dans le droit chemin, d'être une bonne mère et une bonne épouse sinon c'est l'Enfer qui s'ouvrirait à elles. Cet interlude donne un second départ au film, plus sombre et plus inquiétante aussi.

 

Quant à la promotion du film, elle est savamment pensée. Le titre Non ma fille, tu n'iras pas danser résume très bien le tableau de ces mères étouffantes mais fait aussi référence à la comptine Le pont de Nantes. La très belle affiche montrant une photo de Chiara Mastroianni (prise par Mondino) dans un champ est surmontée du slogan "Vivez libre". Une accroche si optimiste qu'elle décale l'univers du film. Le responsable de ce marketing s'en explique : "J'ai eu l'idée de ce slogan. Il s'agit d'accrocher le spectateur dans les cinq premiers jours d'exploitation. (…) Pourquoi "Vivez libre"? Parce que le film parle d'une femme qui casse toutes les conventions et qui en souffre".

 

Avec Non ma fille, tu n'iras pas danser, Christophe Honoré signe sûrement son film le plus dense, le plus abouti, et un très grand film français qui devrait apporter à Chiara Mastroianni une nomination méritée lors de la prochaine cérémonie des Césars.




...HB...
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