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Un cinéphile dans la ville.

Critiques ciné et autres.

"38 témoins", un film de Lucas Belvaux

 

Lucas Belvaux adapte Didier Decoin dans son nouveau film, 38 témoins. Réalisateur exigeant, il retrouve Yvan Attal, déjà brillamment dirigé dans Rapt. Avec ce nouveau film, Belvaux déçoit un peu, parce qu'il passe en partie à côté du sujet.

 

 

Affiche-38-temoins.jpg


 

Alors qu'elle rentre d'un voyage professionnel en Chine, Louise découvre que sa rue a été le théâtre d'un crime. Aucun témoin, tout le monde dormait.

Paraît-il.
Pierre, son mari, travaillait. Il était en mer.  

Paraît-il…
La police enquête, la presse aussi. Jusqu'à cette nuit où Louise rêve. Elle rêve que Pierre lui parle dans son sommeil. Qu'il lui parle longuement. Lui qui, d'habitude, parle si peu.

 

 

 

 


 

Le Havre est décidément une ville très prisée des cinéastes depuis quelques mois. Aki Kaurismaki lui a même donné le titre de son dernier film (lire l'article du 2 janvier 2012) où l'on retrouve la poésie portuaire des images de docks. Lucas Belvaux adapte le roman de Didier Decoin, Est-ce ainsi que les femmes meurent ?, paru en 2009 chez Grasset et Fasquelle. De son propre aveu, le réalisateur a pensé à Simenon en écrivant son scénario et au "comprendre sans juger" de Maigret, que le procureur (Didier Sandre) balance d'ailleurs à la journaliste (Nicole Garcia) dans le film. Belvaux a voulu traiter les thèmes de la lâcheté, de la justice et du mensonge dans 38 témoins, qui devait s'appeler initialement Une nuit, titre déjà pris par le film de Philippe Lefebvre sorti en janvier dernier. Ce n'est pas tant le meurtre en lui-même qui intéresse le réalisateur, mais ses répercussions sur les témoins, les ravages de leurs mensonges et de leur lâcheté collective.

 

Une jeune femme est sauvagement assassinée en pleine ville mais personne n'a rien vu, rien entendu. Tout le monde dormait, ou travaillait, mais personne ne sait rien. Jusqu'à ce qu'un homme ne brise le silence. Pierre (Yvan Attal, encore une fois excellent) a entendu un cri déchirant, qu'il ne peut oublier, et vu une femme tituber avant de rentrer dans son immeuble pour y mourir. Traumatisé parce qu'il n'a pas appelé la police, parce qu'il n'a pas bougé, Pierre en perd le sommeil. Il se confie à sa femme, absente le soir du crime, pendant qu'elle dort. Longuement, dans une très belle scène où le contrechamp du dialogue est une femme endormie, il se confesse à elle, il dit sa honte, sa culpabilité, sa lâcheté. Ses remords excessifs sont aussi insupportables que le silence obstiné des voisins. Quand il va voir la police pour (pense-t-il) apaiser ses tourments, c'est tout en quartier qui se retrouve mis en cause. Pourquoi serait-il le seul à avoir entendu ses cris ? Qui ment ? Une journaliste (Nicole Garcia, fantomatique et impériale) va révéler l'information aux yeux du monde.

 

Lucas Belvaux a une immense talent, c'est certain. Ses précédentes productions en témoignent : Rapt, La raison du plus faible et surtout sa trilogie géniale Un couple épatant / Cavale / Après la vie. Mais ici, dans ce film qui rappelle parfois Hitchcock et Fenêtre sur cour, le sérieux et la gravité du propos sont plombés par une mise en scène brillante certes, mais qui manque de mesure. Le film aurait gagné à être moins sentencieux, moins moralisateur. Lucas Belvaux semble s'être perdu dans un sujet qui lui tenait peut-être trop à cœur. Le talent des acteurs ne parvient pas à sauver complètement ce polar philosophique qui déçoit d'autant plus que l'on sait la réussite qu'il aurait pu être.

 

 

...HB...

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