Critiques ciné et autres.
25 Juillet 2014
Richard Linklater poursuit son travail sur le passage du temps avec son nouveau long-métrage, Boyhood, au dispositif totalement inédit. Tourné sur douze ans, le film suit l'enfance et l'adolescence d'un garçon, avec humour, grâce et une sobriété qui n'empêche pas le romanesque.
Chaque année, durant 12 ans, le réalisateur Richard Linklater a réuni les mêmes comédiens pour un film unique sur la famille et le temps qui passe. On y suit le jeune Mason de l’âge de six ans jusqu’ à sa majorité, vivant avec sa sœur et sa mère, séparée de son père. Les déménagements, les amis, les rentrées des classes, les premiers émois, les petits riens et les grandes décisions qui rythment sa jeunesse et le préparent à devenir adulte...
Richard Linklater semble obsédé par le temps qui passe. On le connaît, entre autres, pour sa formidable trilogie des Before (Sunset, Sunrise, Midnight) coécrits et interprétés par Julie Delpy et Ethan Hawke (lire l'article du 27 juin 2013). Il est aussi le réalisateur de films aussi cultes que Génération Rebelle (1993) ou Rock Academy (2003). Boyhood est un projet exceptionnel qui semble venir couronner toute une recherche du cinéaste sur le passage du temps et la vie aux Etats-Unis, particulièrement dans son Texas natal. De 2002 à 2013, pendant douze ans, Linklater a fait tourner les mêmes acteurs (et les mêmes techniciens) pour une saga familiale visant à conter l'évolution de Mason, interprété par le très prometteur Ellar Coltrane. A ses côtés, Patricia Arquette (sa mère), Lorelei Linklater (sa sœur, et la fille du réal dans la vie) et Ethan Hawke, acteur fétiche, au générique de presque tous les films du cinéaste.
Boyhood n'est pas seulement intéressant pour son dispositif de tournage inédit, mais aussi pour ce qu'il donne à voir de l'évolution de la vie d'une famille recomposée (à plusieurs reprises) et d'une Amérique confrontée à la guerre (en Irak), aux traditions, à ses démons (armes) et à sa politique (l'élection d'Obama en 2008, les réélections de Bush et Obama en 2004 et 2012). Au fil des années, la technologie évolue (premiers portables, ordinateurs, etc…) et la pop culture défile avec le phénomène Harry Potter ou des tubes emblématiques (Coldplay, Sheryl Crow, Lady GaGa, Britney Spears…). L'histoire est inspirée de la vie de Richard Linklater (le Texas, les divorces, la mère reprenant ses études…) mais aussi de celle de l'acteur principal Ellar Coltrane qui déclare : "Chaque année, lorsqu’on se retrouvait, Richard me demandait où j’en étais et il adaptait le personnage selon ma propre progression. Ma vie et celle de Mason se confondaient, je me suis investi avec bonheur dans la création du personnage. (...) Grâce au film, j’ai compris beaucoup de choses, surtout sur la relation avec ma mère, qui, comme celle de Mason, est assez complexe."
Assister au passage réel du temps sur le visage des acteurs, et surtout de Mason, de 6 à 18 ans, est une expérience unique au cinéma. Subtilement, sans grands coups de théâtre, le film est jalonné par des étapes de la vie d'un ado (école, lycée, université, premières amours, premier joint…) et de la vie américaine (remise de diplôme, Thanksgiving…). A la fois très personnel et totalement universel, Boyhood est un film exceptionnel, tout de même pas un chef-d'œuvre. Richard Linklater confirme (mais on n'en doutait pas) son talent d'auteur et continue de sonder, mieux que n'importe quel autre cinéaste, le temps qui passe et les petits riens qui font la vie de millions de familles dans le monde. Au bout de 2h45 (qui passent trop vite), on a l'impression de faire partie de cette famille et on se prend à rêver d'une suite, dans douze ans… à la manière de la série des Before.
...HB...