Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Un cinéphile dans la ville.

Critiques ciné et autres.

"De beaux lendemains" aux Bouffes du Nord

 

A l'affiche depuis le 7 juin, De beaux lendemains se joue au théâtre des Bouffes du Nord (Paris) sous la direction d'Emmanuel Meirieu d'après le roman de Russell Banks. Dans une mise en scène dépouillée, Catherine Hiegel et d'autres font résonner une terrible histoire et la dérive de quatre destins.

 

 

De beaux lendemains


 

Dans l'hiver blanc de l'Est américain, un car scolaire verse dans un ravin et est englouti dans la glace. L'accident fait quatorze morts parmi les enfants. Choral, le roman est composé de quatre témoignages successifs écrits à la première personne : ceux de deux survivantes, la conductrice du bus et une adolescente, blessées dans l'accident, d'un père meurtri par la mort de ses deux enfants et d'un avocat new-yorkais venu défendre les parents des victimes.

Emmanuel Meirieu a adapté le roman pour la scène en lui conservant sa forme de témoignage. "Dans les cathédrales que sont les théâtres, ces lieux qui appellent l'emphase, le mouvement, la projection du texte, je veux faire le pari d'un acteur seul en scène, assis, qui sans volontarisme raconte son  histoire au micro. Comme un enfant qui entrerait dans un stade plein pour y chanter a capella. Le décor est le lac gelé où le bus s'est crashé, un simple micro et une chaise. Un piano accompagne l'acteur à des moments très choisis. C'est la première fois que les survivants reviennent sur le lieu de l'accident pour y témoigner devant la communauté, comme la cérémonie pour l'incendie du tunnel du Mont Blanc" déclare le metteur en scène.

La dérive de quatre vies humaines, comme un écho tragique à l'accident.

 

 

De beaux lendemains avait déjà lieu à une adaptation au cinéma par Atom Egoyan récompensée par un Grand Prix du Jury au Festival de Cannes 1997. Présent lors de la première de la pièce, Russell Banks, l'auteur du roman, s'est dit très touché et a ajouté : "Je suis étonné par la sobriété de la mise en scène qui va au cœur des choses. On dirait du Beckett". Emmanuel Meirieu a choisi un plateau vide, le sol givré pour représenter le lac, avec seulement un micro planté au centre de la scène, et au fond le piano que Raphael Chambouvet ne quitte pas.

 

Tour à tour, quatre personnages viennent témoigner. Dans la douleur, le désespoir mais aussi la fièvre et l'envie de dire au monde entier ce qu'ils ressentent. Dolores Driscoll, conductrice du bus scolaire, est incarnée par l'immense Catherine Hiegel, entre douleur contenue et colère gueulée au visage des autres. Carlos Brandt (incroyable de densité) est Billy Ansel, ancien du Vietnam, père de deux enfants morts dans l'accident. Il revient sur sa douleur lui aussi, sur sa vie et sa relation avec une femme du village qui a elle aussi perdu un enfant dans ce bus et qu'il ne sera plus jamais capable d'aimer. Il était au volant du camion derrière le bus, il a tout vu. Redjep Mitrovitsa incarne l'avocat Mitchell Stephens, venu défendre les familles des victimes et par ailleurs touché par un drame familial. La jeune Nicole est interprétée par Judith Chemla, mini-miss America clouée dans un fauteuil depuis l'accident et qui dévoile son calvaire de fille violée par son père. Il est vrai que les personnages sont tous accablés par le malheur et une avalanche de problèmes comme ceux-là peuvent parfois sonner "too much", mais on est ici clairement dans le drame, sans toutefois plonger dans le pathos.

 

Le miracle de ce spectacle est dans sa sobriété. Avec peu d'effets, le spectateur imagine et visualise les événements, se sent bouleversé par tel ou tel témoignage, grâce au talent d'acteurs exceptionnels. Deux intermèdes musicaux "live" viennent parfaitement relayer la parole avec Smell like teen spirit de Nirvana à la guitare sèche et une version acoustique et lyrique de Exit music (for a film) de Radiohead. Un spectacle sublime, sobre et bouleversant.

 

 

jusqu'au 26 juin

du mardi au samedi à 21h et le samedi en matinée à 15h30

 

Théâtre des Bouffes du Nord

37 bis, boulevard de la Chapelle. Paris 10e

 

Métro La Chapelle (ligne 2)

 

www.bouffesdunord.com

01 46 07 34 50

 

 

...HB...

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article