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Un cinéphile dans la ville.

Critiques ciné et autres.

"La permission de minuit", un film de Delphine Gleize

 

Récompensée par le César du meilleur court-métrage en 2000 pour Sale Battars, Delphine Gleize présente son nouveau film, La permission de minuit, en salles depuis le 2 mars. Sans mélo, son film montre le rapport entre un enfant atteint d'un mal rare et incurable et son médecin, entre un ado et un adulte tous les deux sur le départ, à leur manière.

 

 

Affiche-La-permission-de-minuit.jpg


 

C'est une amitié hors normes. David a 50 ans, Romain en a 13. David, professeur en dermatologie, fou de son métier, le soigne et l’opère depuis qu'il a 2 ans. Atteint d’une déficience génétique rare, Romain vit à l’écart de la lumière du jour. C’est "un enfant de la lune". Rien ne semble pouvoir les séparer jusqu’au jour où David obtient une mutation qu’il n’attendait plus. Comment annoncer à Romain son départ ? Le jour de la séparation approche, une nouvelle épreuve pour l’un et pour l’autre.

 

 

 

 


 

La permission de minuit centre son scénario autour de la maladie dont souffre le jeune Romain, le "xeroderma pigmentosum", une maladie orpheline qui se caractérise par une hypersensibilité aux rayons UV ; les porteurs de cette maladie ne dépassent que rarement la vingtaine d'années et sont appelés les "enfants de la lune". La réalisatrice Delphine Gleize adresse avant tout une note d'intention. "Cette maladie possède un postulat de cinéma. (…) C'est une maladie contre-nature. De cette protection forcenée, je pense à créer un personnage de fiction exigeant, impatient et courageux. Et écrire un film où la peau serait un enjeu : à la fois un Graal à camoufler, à la fois une pellicule qu'on répare, qu'on fait durer. Ce serait donc l'histoire d'une créature et de son mécanicien."

 

Le film est axé sur la relation très étroite entre Romain, adolescent et réplique de L'Enfant Sauvage de Truffaut, et David, professeur de médecine et dermato du jeune homme depuis ses deux ans. David est à la fois le médecin mais aussi un père de substitution -celui de Romain est parti en apprenant la maladie- et un ami à qui il peut confier son envie d'avoir le temps de faire l'amour avant de mourir. Le médecin lui répond d'ailleurs que les docteurs "cherchent pour qu'il puisse faire l'amour, justement" lors de l'un des nombreux caprices de l'enfant. Car la réalisatrice choisit un ton sec et abrupt, loin du mélo. Pas de pitié ici comme en témoigne la mise en scène aride de Delphine Gleize, procédé qui se retourne parfois contre elle dévoilant souvent une absence de vision cinématographique.

 

Dans ce parcours d'un an dans la vie d'un enfant de la lune, la mort est abordée, bien sûr, de manière à la fois pudique et sans fard. Dans l'attente de traitements efficaces, les malades sont obligés de se cacher sous des combinaisons et de sortir essentiellement la nuit. Ils sont plus conscients que d'autre de leur finitude mais Romain, par exemple, ne montre pas ou peu de résignation. Dans une scène sublime, l'ado fait des adieux émouvants mais dénués de pitié, hors champ, à une jeune amie en phase terminale. Le jeune Quentin Challal est tout à fait convaincant dans le rôle difficile de cet ado. Mais le pilier de ce film un peu bancal à certains moments est sans aucun doute Vincent Lindon, décidément le meilleur acteur français actuel, toujours dans le style sobre et bourru qu'il cultive depuis quelques années. Qu'il soit maître-nageur (Welcome), maçon (Mademoiselle Chambon) ou professeur de médecine comme ici, c'est incroyable de constater à quel point tout est parfaitement juste. Ce film signe aussi ses retrouvailles avec Emmanuelle Devos avec qui il a déjà partagé l'affiche de deux très grands films, La moustache d'Emmanuel Carrère (2005) et Ceux qui restent d'Anne Le Ny (2007).

 

La permission de minuit compense ses faiblesses de mise en scène par des dialogues et une direction d'acteur réussis, et par des acteurs impeccables. Avec pudeur et sans pathos, Delphine Gleize parle en même temps de la maladie et de la difficulté de partir, que ce soit la mort ou le changement radical de vie.

 

 

...HB...

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