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Un cinéphile dans la ville.

Critiques ciné et autres.

"Maestro", un film de Léa Fazer

 

Léa Fazer reprend un scénario de feu Jocelyn Quivrin pour lui rendre hommage, ainsi qu'à Eric Rohmer, dans son nouveau film, Maestro. Un film sur le cinéma et les rencontres qui changent une vie, à la fois drôle et intense.

 

 

Affiche-Maestro.jpg


 

Henri, un jeune acteur qui rêve de jouer dans FAST & FURIOUS, se retrouve engagé dans le film de Cédric Rovère, monstre sacré du cinéma d’auteur. Les conditions du tournage ne sont pas tout à fait celles auxquelles il s’attendait… Mais le charme de sa partenaire et la bienveillance du maître vont faire naître en lui des sentiments jusqu’alors inconnus. Et Rovère, conquis par la jeunesse et la fantaisie d’Henri, vivra ce tournage comme un cadeau inattendu.

 

 

 

 


 

Léa Fazer a connu quelques petits succès avec des films jusque-là très moyens (Bienvenue en Suisse, Notre univers impitoyable, Ensemble c'est trop, Cookie…). Maestro est un double hommage à Jocelyn Quivrin et Eric Rohmer. En 2007, le jeune acteur, amoureux de grosses cylindrées et amateur de fêtes et de jeux vidéo, est engagé sur Les amour d'Astrée et Céladon, l'ultime film d'un des maîtres de la Nouvelle Vague (Rohmer). Sur le tournage, Quivrin se sentit en total décalage avec cette manière artisanale de faire du cinéma avec peu de moyens et à l'opposé des blockbusters qui avaient bercé son adolescence. Mais une complicité forte était née entre le vieux cinéaste ascète et le jeune premier fougueux, en dépit du poids de leurs différences. Cette rencontre avait inspiré à Jocelyn Quivrin un scénario en collaboration avec Léa Fazer, qui l'avait dirigé dans ses deux précédents films. Mais en novembre 2009, l'acteur se tue au volant de son bolide sur l'A13 et le projet tombe dans l'oubli. Rohmer meurt trois mois plus tard et il faudra attendre 2013 pour que les frères Altmayer poussent la réalisatrice à tourner le film.

 

Pio Marmai incarne Henri (inspiré de Quivrin, donc, car une partie de son histoire est différente), acteur qui tire le diable par la queue entre pubs et figurations et se retrouve, sans même avoir entendu parler de lui, sur le dernier film de Cédric Rovère, cinéaste culte (Michael Londasle, parfait et autant de bonhommie que Rohmer était sec et longiligne). Il rêve déjà d'hôtels cinq étoiles et de cachets mirobolants mais va découvrir les réalités d'un tournage à petit budget, au fin fond de la campagne. Au-delà des scènes forcément comiques dues à la confrontation de deux mondes si lointains, Maestro est un beau récit d'apprentissage entre un jeune fougueux qui ne connaît rien et un vieux sage qui semble revenu de tout, sauf de sa passion pour l'image et les mots. Léa Fazer se moque allègrement des clichés de deux catégories de professionnels : les "auteuristes" cultivés mais qui méprisent toute forme de divertissement et la partie "grand public" qui ne comprennent pas ce monde et préfèrent en rire que d'essayer de le pénétrer. Evidemment, c'est plus complexe et chacun devra faire un pas vers l'autre, le cinéma étant si riche de sa diversité. Le film montre aussi une réalité, celle des (nombreux) tournages fauchés ou la débrouille et l'entraide font loi. Les personnages de l'assistante (Dominique Reymond, excellente), des comédiens über snob (Scali Delpeyrat, caricature drôlissime, et Micha Lescot, fabuleux jeune premier version art et essai), de la maquilleuse-coiffeuse qui craque (Marie-Armelle Deguy) ou du copain hilare (Nicolas Bridet) sont par ailleurs plus réussis que les deux "co-stars" féminines du film (Alice Belaïdi, convaincante, et Déborah François), plus proche d'un cliché habituel.

 

Les plus belles scènes sont les échanges entre le "maestro" et son jeune disciple, des discussions sur la vie, la poésie (il faut écouter Lonsdale dire du Verlaine), l'amour ou les nouveaux langages (hilarante explication du verbe "kiffer"). Au final, chacun repartira enrichi de son expérience, entre passage à l'âge (d'acteur) adulte pour l'un et (ultime) nouvelle jeunesse pour l'autre. Le personnage de Pio Marmai finira par remercier le cinéaste de lui avoir appris à "payer sans marchander le prix exorbitant de la beauté." Peut-on finir sur une plus belle phrase ?

 

 

...HB...

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