Critiques ciné et autres.
7 Mars 2012
Le premier film de Sean Durkin ne passe pas inaperçu. Martha Marcy May Marlene est la révélation du dernier festival Sundance, où il a obtenu le Prix de la mise en scène. Elizabeth Olsen explose et Sean Durkin apparaît comme un cinéaste prometteur.
Après avoir fui une secte et son charismatique leader, Martha tente de se reconstruire et de retrouver une vie normale. Elle cherche de l’aide auprès de sa sœur aînée, Lucy, et de son beau-frère avec qui elle n’avait plus de contacts, mais elle est incapable de leur avouer la vérité sur sa longue disparition. Martha est persuadée que son ancienne secte la pourchasse toujours. Les souvenirs qui la hantent se transforment alors en effrayante paranoïa et la frontière entre réalité et illusion se brouille peu à peu...
De son propre aveu, Sean Durkin a une fascination pour les sectes. "Je voulais faire un film moderne, réaliste et centré sur les personnages. Je trouvais que toutes les sectes montrées au cinéma étaient trop extravagantes, menaçantes et caricaturales." déclare-t-il. Le titre du film vient du prénom de la jeune fille (Martha), de son surnom donné dans la secte (Marcy May) et du prénom que donnent toutes les filles de la secte quand elles répondent au téléphone (Marlene).
La mise en scène de Sean Durkin est à la fois complexe et très fluide. Des allers-retours permanents entre présent et passé sont effectués avec des raccords intelligents, dans le son ou le mouvement. Martha Marcy May Marlene démarre sur l'évasion de l'héroïne d'une grande ferme dont on comprend que c'est le lieu de vie de la secte. Sa grande sœur (excellente Sarah Paulson) vient la chercher et tenter de lui redonner le goût à la vie dans la société dite normale. Dans ce portrait de deux sœurs que tout oppose, l'histoire de Martha va ressurgir par bribes. La sœur est mariée, bien rangée dans un mode de vie petit-bourgeois et toutes ses certitudes vont se trouver bouleversées. Martha refuse de se confier et n'arrive pas à vivre dans ce monde, elle qui a vécu pendant deux ans isolée dans une secte prétendument néo-baba. En réalité, on découvre les abus sexuels, la privation de liberté et la domination d'un gourou, incarné admirablement par John Hawkes, qui chante aussi une sublime ballade folk, Marcy's song. Martha mène la vie dure à sa sœur qui ne sait pas comment aborder celle qu'elle ne reconnaît plus. Personne n'est vraiment ni victime ni bourreau dans cette famille, malgré les malheurs passés et la culpabilité, et c'est une grande force du film.
Sean Durkin ne porte pas de jugement sur les sectes ou sur ses personnages, mais propose, par le montage, une plongée sensorielle dans le monde de Martha qui n'arrive pas à retrouver sa place dans le monde qu'elle a quitté deux ans auparavant sans pour autant regretter celui qu'elle a fui. Les flashbacks dans la secte montrent Martha de plus en plus enfermée dans le cadre et de plus en plus sous-éclairée, comme une descente aux enfers irrépressible. Elizabeth Olsen, véritable révélation, est parfaite dans son interprétation, qui devrait lui ouvrir les portes des plus grands tournages désormais. On pense aux débuts de Kirsten Dunst chez Sofia Coppola par exemple. Avec une montée d'angoisse croissante, Sean Durkin parvient à tenir un suspense sans pour autant donner une explication claire, comme le prouve le saisissant plan final. Pas étonnant que Rosemary's baby ait inspiré le jeune cinéaste tant on retrouve des thématiques chères à Roman Polanski : l'enfermement, la manipulation et la désocialisation. Un très grand premier film.
...HB...