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Un cinéphile dans la ville.

Critiques ciné et autres.

"Possessions", un film de Eric Guirado

 

Loin du succès surprise de son dernier film, Le fils de l'épicier, Eric Guirado propose Possessions, son nouveau long-métrage, inspiré de l'affaire Flactif. Julie Depardieu est surprenante mais le film finit par tourner à vide.

 

 

Affiche-Possessions.jpg

 


Marilyne et Bruno Caron arrivent dans un village de montagne pour emménager dans un chalet qu’ils ont loué à Patrick Castang, promoteur et propriétaire de nombreuses habitations dans la région. Contents de quitter le nord de la France pour démarrer une nouvelle vie, ils acceptent sans sourciller quand Castang leur annonce qu’il va les loger momentanément dans un autre chalet de grand standing car le leur n’est pas terminé. S’ensuivra alors une succession de déconvenues qui va les conduire à déménager de nombreuses fois, avec le sentiment grandissant d’être traités sans aucune considération, alors même que les Castang multiplient patiemment et avec bienveillance les efforts envers eux. Les relations entre les deux familles vont se tendre. Bruno et Marilyne Caron ne supportent plus d’avoir sous leurs yeux le bonheur et l’abondance de biens des Castang. Leur amertume, alimentée par la jalousie, l’envie et la frustration, finira par devenir de la haine.

 

 

 

 


 

L'affaire Flactif, ou de la "Tuerie du Grand Bornant", a défrayé la chronique en 2003. Eric Guirado s'en empare aujourd'hui, sans faire une reconstitution mais plutôt pour l'utiliser comme illustration d'une violence qui s'installe et se développe irrémédiablement. Ce qui semble avoir intéressé le réalisateur, c'est l'échelle des humiliations successives subies par le couple de locataires mais aussi leur cupidité, la jalousie quasiment malsaine entretenue par la jeune femme, sans juger ou sans trouver de prétextes aux uns et aux autres. Eric Guirado reprend l'histoire du meurtre bien sûr, mais tardivement. Il filme surtout la montée de la rancœur que personne ne veut voir. Les Castang sont des promoteurs très riches et un peu louches qui ont tendance à considérer les autres comme leurs employés ; si Patrick semble avoir toujours vécu comme cela, sa femme est issue d'un milieu plus modeste et rappelle sans cesse à ses enfants qu'ils sont bien trop gâtés, sans pour autant oser contredire son mari dans les décisions concernant les affaires. Les Caron, eux, sont représentés comme un couple de beaufs ; Bruno ne pense qu'au tuning et aux fêtes avec son copain tandis que Maryline (formidable Julie Depardieu, dans un registre inhabituel) est une boule de frustration, lassée de passer sa vie aux taches maternelles et domestiques, rêvant d'ailleurs en écoutant une chanteuse pop. Cette détresse donne lieu à une très belle scène où Maryline regarde un clip à la télévision, le volume poussé à fond, et rêve d'être la jeune chanteuse qui chante qu'elle est une princesse (Princesse Tango de Julie Zenatti) ; admirative de ce qu'elle voit et désespérée puisqu'elle ne sera jamais la "princesse tango", Maryline semble totalement coupée du monde quand elle se plonge dans sa chanson.

 

Contrairement à beaucoup de films récents qui tiennent sur la réconciliation, comme Intouchables réunissant par-delà les milieux sociaux, Possessions met en scène des mondes qui ne peuvent jamais se rencontrer vraiment. Maryline est le moteur de cette histoire d'humiliations. Elle forme avec Gladys (Alexandra Lamy) un tandem, ou plutôt un duel, d'une grande cruauté qui ne dit pas son nom. Quand Gladys propose des vêtements qu'elle ne met plus à Maryline, elle ne se rend pas compte de la cruauté qu'il y a à ajouter que ça arrange tout le monde, puisque c'est "utile" aux uns et que ça "débarrasse" les autres. A sa manière, chaque personnage est dans une quête personnelle du bonheur : le couple Caron rêve d'un nouveau départ dans son chalet à la montagne tandis que les Castang s'assurent de leur "réussite" par un train de vie consumériste et tapageur. Mais le film reste anodin par manque de choix faits par Guirado. Il manque à Possessions la radicalité et la méchanceté d'un Chabrol puisqu'ici personne n'est vraiment coupable ou innocent. A force de ne pas vouloir prendre parti, le film s'étiole peu à peu jusqu'à un dernier plan pourtant très réussi.

 

 

...HB...

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