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Un cinéphile dans la ville.

Critiques ciné et autres.

"René l'énervé", un spectacle de Jean-Michel Ribes au Rond-Point

 

Le nouveau spectacle écrit par Jean-Michel Ribes est à l'affiche de son Théâtre du Rond-Point depuis le 7 septembre. René l'énervé est un "opéra bouffe et tumultueux" qui brocarde les années Sarkozy depuis sa campagne jusqu'à l'actualité. Un spectacle foisonnant et drôle, en juste réponse à la politique actuelle.

 

 

Affiche-Rene-l-enerve.jpg


 

"Depuis 2007, j’éprouve un malaise qui ne diminue pas" dit Jean-Michel Ribes en parlant de notre gouvernance. Pour en finir avec cette nausée, il a décidé de la transformer en farce joyeuse : un opéra bouffe mis en musique par Reinhardt Wagner. Un éclat de rire de résistance "face à l’affaissement du langage, au dénigrement de l’esprit, à cette agitation immobile dont la médiocrité nous étouffe". Les citoyens d’un pays imaginaire cherchent un nouveau leader, leur vieux président malade s’en allant. Soudain, ils aperçoivent un petit homme agité courant matin et soir. Il se nomme René. Énergique et courant droit, n’appréciant que le bon sens. René est repéré par le parti majoritaire. L’heure est électorale et René est matinal. Soutenu par sa mère, René devient l’homme providentiel d’un pays en mal d’autorité à poigne et de confort sécuritaire.
Autour de lui, des opposants s’opposent, emmenés par Ginette et Gaufrette. Un conseiller conseille : le nommé Hurtzfuller qui chante les vertus des Arabes quand ils ressemblent aux natifs du Cantal. Un responsable de l’image présidentielle, une meneuse de revue, des traîtres en cravates, un coiffeur international, un ministre des Hautes Frontières, un autre de la Condamnation d’avance et des révoltés venus d’ailleurs valsent tous dans l’ivresse du pouvoir de René. Insolences, audaces, pitreries rythment en chansons l’envol délirant d’un petit épicier nerveux vers les sommets du monde.

 

 

 

 

 

Jean-Michel Ribes est le directeur du Théâtre du Rond-Point depuis 2002. Mais depuis Musée haut, musée bas (2004), dont il a réalisé le film en 2008 (lire l'article du 22 novembre 2008), il n'avait pas écrit de nouvelle pièce. A cause de son agacement pour l'effondrement culturel et la politique actuelle, l'auteur et metteur en scène a donc repris la plume pour René l'énervé. Avec ce spectacle de 2h45 de musique et de rires grinçants, Ribes décoche de nombreuses flèches en direction de la Sarkozie.

 

René est un épicier rond, "court sur pattes", toujours agité et qui n'a pas le temps… Il court et court toujours. Le parti majoritaire, celui du Président sortant sur fauteuil roulant, voit en lui son nouvel espoir. La première partie du spectacle retrace donc son ascension puis une campagne basée sur la peur de l'autre et de sa différence. En faisant venir à lui les "cons de la nation" (chasseurs et nationalistes), les "traitres" de l'opposition (notamment Judasso et Foculot qui deviendront ministres), les "philosophes nouveaux" et les écolos, René l'épicier -devenu René l'énervé- part à l'agressive conquête du pouvoir pour être "chef de pays". Il s'entoure d'un roi de la communication (Jessantout) et d'un bras droit en costume teuton (Hurtzfuller) obsédé par les maghrébins. Si aucune imitation n'est faite dans le registre physique, vocal ou gestuel, les personnages sont parfaitement identifiables. Après l'entracte, on retrouve le règne de René l'énervé qui clame : "Je suis en forme, je réforme !" Tous les détails les plus emblématiques des années Sarkozy sont là : soirée au Fouquet's, visite au Vatican, dérapages racistes, divorce et mariage (excellente Alejandra Radano dans le rôle de Bella Donna, la nouvelle femme -artiste- du chef), discours de Grenoble, de Dakar… Quant au conseil des ministres, il est hilarant avec des titres surréalistes comme le Ministre du Miasme contagieux, de la Couche-culotte et du Penalty dans la lucarne ou le Ministre de la Condamnation d'avance de la République sans taches et du Crochet à viande. L'opposition est égratignée aussi, représentée dans un grand dortoir et menée par deux femmes Ginette et Gaufrette, dont l'une fait cavalier seul et entend, comme Jeanne d'Arc, des voix.

 

Jean-Michel Ribes dresse un portrait cinglant de la bêtise crasse de l'entourage de René l'énervé qui s'est tellement éloigné de son double René l'épicier, que l'on retrouve durant tout le spectacle, rappelant à son "jumeau au pouvoir" qu'il ne peut pas tomber si bas, ne peut pas s'allier avec les racistes et les haineux, se trahir de la sorte. Mais René l'énervé poursuit sa route en courant, persuadé d'être invincible. Jusqu'à ce que le peuple le jette à la rue. Le final est effrayant. Les "cons de la nation" ont pris la pouvoir. Fini de rigoler. Ribes nous met en garde. Le spectacle, dont les compositions de Reinhardt Wagner sont jouées en live, est un coup de semonce pour réveiller un peuple assommé par cinq ans d'une politique injuste et inefficace. Salutaire.

 

 

jusqu'au 29 octobre

 

du mardi au samedi à 21h

le dimanche à 15h

 

www.theatredurondpoint.fr

 

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