Critiques ciné et autres.
10 Décembre 2012
Catherine Corsini offre avec son film Trois mondes une réflexion sur la culpabilité, la place de l'argent et le drame de la clandestinité. Un début prometteur pour un film aux multiples pistes qui s'affaissent petit à petit. Qui trop embrasse mal étreint.
Al est un jeune homme d’origine modeste à qui tout réussit : il se marie dans huit jours avec la fille de son patron et doit prendre la tête de l’entreprise de son futur beau-père. Une nuit, après une soirée arrosée à fêter dignement tous ces projets d’avenir, il renverse un inconnu. Poussé par ses deux amis d’enfance, il abandonne le blessé et s’enfuit. De son balcon, Juliette a tout vu. Hantée par l’accident, elle va aider Véra, la femme du blessé, à retrouver l’homme qu’elle a vu fuir.
Catherine Corsini est une réalisatrice intéressante mais inégale, capable du meilleur avec La répétition (2001) et surtout Partir (lire l'article du 11 août 2009), comme du pire avec Mariées mais pas trop (2003) ou Les ambitieux (2007). Trois mondes se situe quelque part au milieu. L'ouverture du film, brutale, sur l'accident, place les enjeux : au volant de sa voiture, Al (Raphaël Personnaz, convaincant) ne réalise pas que sa vie a basculé en renversant un homme (sans papiers) sous la fenêtre (et les yeux) de Juliette (Clotilde Hesme). Cette dernière va aider la femme de la victime dans ce drame.
Le point de départ est intéressant et la mise en scène convaincante dans la première demi-heure. Catherine Corsini dit s'être inspirée de Jean-Pierre Melville et James Gray, on ajouterait même Hitchcock. Mais rapidement, le tressage des trois histoires s'emmêle. Al, quidam lâche et ambitieux, ne supporte pas cette culpabilité. Juliette, qui ne semble exister que pour aider les autres se perd elle-même. Vera, la femme de l'homme renversé, incarnée par Arta Dobroshi (Le silence de Lorna, des frères Dardenne), est abattue avant de se révolter quand son mari meurt et que l'hôpital lui demande d'accepter le don d'organes. Moldave sans papiers, elle considère qu'elle n'a jamais rien reçu gratuitement et que l'hôpital doit payer s'il veut disposer des organes de son époux. L'argument est intéressant mais la réalisatrice échoue à le montrer et en fait une scène obscène. Car l'argent est l'autre grand sujet. Tout tourne autour. Al pense qu'il peut acheter son pardon, Vera en veut toujours plus et Juliette se rend compte qu'elle a envenimé les choses en proposant cette transaction. C'est là que le film dérape et plonge dans le sordide. Parce que le propos est confus, tout semble sonner faux : les doutes de Juliette, la rage de Vera, et jusqu'à la rédemption finale équivoque que la réalisatrice offre à Al. Trois mondes se présente alors sous son plus sombre jour : le mauvais goût.
...HB...