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Un cinéphile dans la ville.

Critiques ciné et autres.

"La mère" de Florian Zeller au Petit Théâtre de Paris

 

Catherine Hiegel évincée de la Comédie-Française après 40 ans de services. La nouvelle est tombée en décembre 2009. L'actrice en profite pour multiplier les projets dans le théâtre privé. Depuis le 24 septembre, elle est à l'affiche de La mère de Florian Zeller au Petit Théâtre de Paris. Magistrale et troublante.

 

 

Affiche-La-mere.jpg


 

Anne, "La Mère", a tout donné pour ses enfants, pour son mari, pour sa maison ; puis les années ont passé et les enfants sont partis, le fils, la fille, et maintenant le père. Elle se retrouve seule, dans un royaume qui fuit de toutes parts. Mais il suffit que le fils, en pleine rupture sentimentale, revienne passer quelques jours à la maison pour qu'elle se remette à vivre, à respirer, à danser -quitte à oublier qu'il faudra, une deuxième fois, le laisser partir.

 

 

 

 

 

 

Florian Zeller est un jeune auteur au succès grandissant. La mère est certainement sa plus belle pièce à ce jour. Il s'agit selon lui d'une "farce noire". En effet, on rit (jaune), on est ému, troublé et on palpe le désespoir de cette femme qui va mal. L'auteur résume sa conception de ce personnage : "Elle habite dans un maison vide et elle attend un appel de ce fils qui ne vient pas. C'est quelques jours avant la fête des mères mais personne ne semble l'avoir remarqué. On ne pense plus à elle. Elle est oubliée". Catherine Hiegel, une des plus grandes actrices françaises, incarne cette femme paumée, malheureuse, abandonnée et folle de solitude.

 

La mise en scène est signée Marcial Di Fonzo Bo, surdoué qui a monté avec bonheur La estupidez (lire l'article du 22 mars 2008) et La paranoïa (lire l'article du 6 octobre 2009) au Théâtre de Chaillot. Epurée et fantomatique, sa mise en scène est à l'image de la pièce, à la fois simple et pleine de tiroirs, comme l'inconscient de la Mère. La mise en abyme et les lumières reflètent les allers-retours entre réalité et fantasmes.

 

La Mère aime son fils. Trop selon lui. Mais on ne peut pas aimer trop pour elle, qui a donné sa vie pour ses enfants et son mari. Sa fille, elle l'aime moins, elle le dit elle-même, moins que son fils. Ils sont partis tous deux à présent et son mari multiplie les colloques dont on devine qu'ils sont certainement des week-ends avec ses maîtresses. Cette femme vieillit mal car son cœur s'assèche de ne plus pouvoir vivre son amour au jour le jour. Le père est absent mais on peut lire cette absence sur plusieurs niveaux, comme toute la pièce d'ailleurs. Le train change d'heure, la valise et les vêtements changent de place à mesure des relectures de la réalité. Quand le fils revient, c'est une même situation (il s'est violemment disputé avec sa fiancée) mais les dialogues sont différents, comme s'il y avait plusieurs champs de vision, entre la réalité et l'inconscient de la mère. La Mère ne prononce qu'une seule fois le prénom de sa belle-fille, qu'elle appelle toujours "elle" ou "l'autre". C'est Olivia Bonamy qui interprète tour à tour, au gré des fantasmes de la mère, la belle-fille, une infirmière ou la maîtresse de son mari. Jean-Yves Chatelais et Clément Sibony sont respectivement le mari et le fils, très justes. Mais Catherine Hiegel porte la pièce sur elle, magnifique de douleur, de désespoir en quelques cris et beaucoup de silences.

 

La mère offre à Catherine Hiegel un rôle sublime. A 64 ans, elle est impériale, avec sa voix rauque et puissante, devenue plus grave avec le tabac, comme "un chien qui fume " selon ses propres mots. On ressort troublé, ému, avec une pensée pour nos mères qui ont tant donné pour nous. Une pièce déroutante et réussie.

 

 

Petit Théâtre de Paris

15 rue Blanche Paris 9e

 du mardi au samedi à 21.00

matinées le samedi à 18.00 et le dimanche à 16.00

 

réservations et infos : 01 42 81 01 81

www.theatredeparis.com

 

 

...HB...

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