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Un cinéphile dans la ville.

Critiques ciné et autres.

"Potiche", un film de François Ozon

 

François Ozon est un cinéaste étonnant. A la fois populaire et intello, il traverse le cinéma français, impose un style et une liberté rare. Après plusieurs films introspectifs, il revient à la comédie grinçante avec Potiche, en salles depuis le 10 novembre.

 

 

Affiche-Potiche.jpg


 

En 1977, dans une province de la bourgeoisie française, Suzanne Pujol est l’épouse popote et soumise d’un riche industriel Robert Pujol. Il dirige son usine de parapluies d’une main de fer et s’avère aussi désagréable et despote avec ses ouvriers qu’avec ses enfants et sa femme, qu’il prend pour une potiche. À la suite d’une grève et d’une séquestration de son mari, Suzanne se retrouve à la direction de l’usine et se révèle à la surprise générale une femme de tête et d’action. Mais lorsque Robert rentre d’une cure de repos en pleine forme, tout se complique.

 

 

 

 


 

Les dernières productions de François Ozon (Le temps qui reste, Ricky, Le refuge…) ont peiné à trouver un public, sans doute parce que très intimistes, difficiles à classer entre film populaire et film d'auteur (l'un n'empêchant pourtant pas l'autre) et aussi audacieuses. Avec Potiche, il revient au style qui lui a offert son plus gros succès au box-office (8 femmes), l'adaptation d'une pièce de théâtre vintage avec un casting de stars. Avec près de 900 000 entrées en première semaine, soit mieux que les résultats de ses quatre derniers films cumulés, le cinéaste réussit son pari et rassure ses producteurs.

 

Mais Potiche n'est pas qu'un coup de poker. Il s'agit d'un vrai projet ambitieux, comme l'était 8 femmes. François Ozon réussit à transformer un boulevard un peu ringard en une comédie sociale moderne et drôle. Le cinéaste adapte la pièce seventies aux années 2000, comme il l'avait déjà fait avec le troublant et sulfureux Gouttes d'eau sur pierre brûlante (de Fassbinder) et 8 femmes (de Robert Thomas). Ainsi, le fils du patron, plutôt artiste de gauche, se fait envoyer bouler par les ouvriers en grève qui lui jettent un "casse-toi, pauv' con" à la gueule. Le PDG, Robert Pujol, autoritaire et figure patriarcale oppressante, ne ménage ni sa femme -à qui il intime l'ordre de ne pas avoir d'avis mais se conformer au sien-, ni ses enfants, ni ses ouvriers qui doivent comprendre que "s'ils veulent gagner plus, ils doivent travailler plus"… Robert Pujol serait Sarkozy alors que le personnage de sa femme est inspiré selon Ozon par Ségolène Royal. Quand Suzanne Pujol va pour la première fois à la rencontre des ouvriers en grève, elle met tous ses plus beaux bijoux car "c'est grâce que je les ai, ils peuvent bien en profiter aussi". Tel est l'esprit ironique et piquant des dialogues. Dans les premiers moments du film, tous les clichés y passent : les coucheries du patron avec sa secrétaire et autres filles du club "Badaboum" dans lequel Mme Pujol n'a bien sûr "pas sa place" même si elle aimerait bien s'y encanailler. La fille est au bord du divorce avec un mari qui est le double de son père, mais elle est aussi le personnage le plus conservateur, loin de la modernité pas évidente de sa mère. Quant au fils, il ne veut plus faire Sciences-Po et est en rébellion contre son père.

 

François Ozon assume le kitsch de certaines séquences à l'humour suranné. L'ouverture du film montre Catherine Deneuve, en jogging (!), qui observe un faon, deux lapins en plein coït, un petit oiseau et un écureuil qui lui inspire un de ses poèmes "fleur bleue" qu'elle considère comme son passe-temps favori. La bande-son se situe dans l'époque, mélange de variété française made in 1977 (Il était une fois et Emmène-moi danser ce soir de Michelle Torr, le tube de l'année, qui correspond parfaitement au personnage de Suzanne Pujol) et de disco (Bee Gees, Boney M). A l'image du film qui montre le tournant à venir de la fin des années 1970 avec l'arrivée du socialisme au pouvoir en 1981.

 

Côté casting, François Ozon fait très fort. Outre Fabrice Luchini et Karin Viard, impayables, l'excellent Jérémie Renier, et même Judith Godrèche, très drôle en Farrah Fawcett ultra-conservatrice, il réunit un couple mythique du cinéma français : Catherine Deneuve et Gérard Depardieu. Il commente d'ailleurs ce choix : "Quand on imagine l'amoureux de Catherine Deneuve au cinéma, c'est Gérard Depardieu qui vient naturellement à l'esprit. (…) Il y a une alchimie magique entre eux et les spectateurs ont du plaisir à les voir à nouveau réunis en vieux amants". Les clins d'œil sont d'ailleurs nombreux ; Suzanne Pujol et Maurice Babin ont eu une aventure vingt-cinq ans auparavant et quand le député-maire PCF veut remettre le couvert, elle lui affirme avec tendresse "Ce n'est plus de nos âges". Il s'agit en effet de la septième collaboration entre les deux stars. Depuis le mythique Dernier Métro, il y a eu Le choix des armes, Je vous aime mais aussi l'émouvant Les temps qui changent de Téchiné. Catherine Deneuve, pilier du film, confirme son statut d'icône du cinéma français, représentant la culture populaire avec 50 ans de carrière et la modernité hype par ce qu'elle est devenue, par ses choix audacieux et sa modernité absolue.

 

Avec Potiche, François Ozon réussit un film kitsch et actuel, nostalgique et moderne à la fois. Catherine Deneuve s'impose définitivement comme la patronne du cinéma français et se permet même une reprise de C'est beau la vie de Jean Ferrat à la fin du film, comme un bilan de son demi-siècle d'une carrière mouvementée et riche. Entre admiration presque "midinette" et direction d'acteur irréprochable, Ozon emporte une fois de plus la partie.

 

 

...HB...

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